L'Héritage des Cathares
mener les patients qui pourraient être déplacés. Les autres seraient traités sur place. Connaissant sa valeur, je chargeai Pernelle de coordonner les activités et sa nomination reçut l’aval de tous.
Il ne resta bientôt plus qu’à attendre Montfort et les rumeurs qui nous parvenaient laissaient entendre qu’il piaffait d’impatience.
Nous étions au début de décembre lorsque ce moment à la fois attendu et redouté arriva enfin. Aucune panique ne traversa Cabaret lorsque, sur la fin d’un après-midi, Ugolin sonna l’alarme, du sommet de la muraille. Pierre Roger, Landric, Ugolin et moi-même nous précipitâmes dans l’escalier pour évaluer la situation. À l’horizon, une colonne d’hommes à cheval et de charrettes se dirigeait vers Cabaret.
— Ils sont quelques centaines tout au plus, déclara le seigneur des lieux, la main sur le front pour bloquer le soleil. Montfort a décidé d’attaquer sans attendre les renforts, comme je l’avais prévu.
— Qu’il s’amène, le coquin, grogna Ugolin, les lèvres retroussées sur les dents comme une bête féroce. J’accrocherai sa tête à la muraille et je pisserai dessus.
— Comment peut-il être si bête ? me demandai-je à haute voix. Il n’est pas sans savoir qu’il n’arrivera à rien avec si peu d’hommes. Il se brisera le nez sur la muraille.
— Quoi qu’il en soit, la joute commence ! s’exclama le seigneur des lieux en se frottant les mains. À toi l’honneur, Gondemar. Ces hommes sont les tiens, maintenant.
J’inclinai la tête en guise de remerciement. Je savais qu’il disait vrai. Au cours des derniers mois, je croyais avoir gagné le respect des troupes. Je me retournai vers la cour intérieure et mis mes mains en porte-voix.
— Aux armes ! criai-je. Les hommes sur les murailles ! Les femmes et les enfants aux pierres ! Les vieux aux chaudrons et aux vasques ! Les Parfaits à l’infirmerie !
Aussitôt, la cour s’anima, chacun se dirigeant vers sa position prédéterminée en hâtant le pas sans courir. Je ressentis une grande fierté en observant ces gens ordinaires se comporter avec une efficacité toute militaire. Bientôt, tous furent en place, une détermination tranquille dans le regard. Les enfants avaient le sérieux d’adultes, les femmes avaient la mâchoire serrée du combattant, les vieillards se tenaient droits et semblaient avoir rajeuni. Les hommes, plastronnés et casqués, l’épée au fourreau et le regard glacial, formaient une ligne continue sur le chemin de ronde.
Je vis Pernelle sortir du donjon, traverser la cour de son pas caractéristique et se diriger vers l’escalier de pierre le plus proche. Je la perdis de vue un instant avant qu’elle n’émerge au sommet de la muraille. Elle zigzagua entre les soldats pour me rejoindre.
— Tout est prêt à l’infirmerie, m’informa-t-elle, l’air grave. Mais l’endroit est petit. Moins nous recevrons de blessés, mieux ce sera.
— Souhaitons-le.
Je laissai porter mon regard à l’horizon. Les croisés s’étaient assez approchés pour que je puisse évaluer leur état.
— Ils ne semblent pas avoir de catapulte, remarquai-je. C’est de bon augure.
— Ce bougre de Montfort a au moins compris ça, intervint Pierre Roger.
Mon amie me posa une main sur l’avant-bras et m’adressa un regard presque suppliant.
— Gondemar... Je ne veux pas te revoir à l’infirmerie. Compris ? Une fois suffit. Et ceci vaut aussi pour Ugolin.
— J’essaierai.
Elle me dévisagea, soupira et s’en fut sans rien ajouter. Je me tournai vers Landric.
— À compter de maintenant, je veux des équipes en place en permanence. Organise les quarts de manière à ce que tout le monde puisse avoir quatre heures de sommeil par demi-journée. Les hommes doivent être aussi alertes que possible.
Landric hocha la tête et s’éloigna en beuglant des ordres. Je veillai à quelques derniers détails puis passai brièvement par le corps de logis pour y récupérer mes armes et mon armure. J’en ressortis convenablement équipé, mon écu au bras gauche, mon épée à la taille et vêtu de mon plastron à croix cathare rouge. Comme je ne prévoyais pas de corps à corps, je ne portais pas mon heaume. Ma chevelure rousse tiendrait amplement lieu de signal. Lorsque je fus à nouveau sur la muraille, les croisés s’étaient arrêtés au pied de la montagne.
— Ils installent
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