L'Héritage des Cathares
aussi convenablement que possible. Vous pouvez disposer.
Humbert ouvrit la porte et, d’un geste de la main, nous invita à sortir. Une fois à l’extérieur, Esclarmonde et Montbard s’arrêtèrent.
— Repose-toi, Gondemar, me dit la Parfaite. Sire Bertrand et moi avons à faire.
Ils me tournèrent le dos sans me donner la chance de répliquer et s’éloignèrent. Je rageais intérieurement, mais je n’avais plus la force de m’insurger. Je suivis donc Humbert en me promettant de revenir à la charge dès le lendemain. Je ne pus jamais le faire.
Humbert me conduisit dans une habitation située près du donjon et me désigna la chambre qui m’était destinée. Tout dans la pièce était austère. Une paillasse à l’odeur douteuse, une table bancale et un tabouret dans un état comparable en composaient tout le mobilier. Pendant que je détaillais l’endroit, on frappa. J’ouvris et une femme entre deux âges entra, une bouteille et un gobelet dans les mains.
— De la part du sieur de Péreille, m’informa-t-elle avec timidité, les yeux rivés au sol.
Elle laissa le tout sur la table et ressortit comme une ombre. Au bord de l’épuisement, je me versai une généreuse rasade d’un vin au goût riche et au parfum un peu âcre, puis une seconde. Je jetai ma besace, mon épée et ma dague sur la table et me laissai choir sur le lit. Je sombrai aussitôt dans un sommeil profond et sans rêves.
Je fus réveillé par une main plaquée contre ma bouche. On me passa une corde autour du cou et on me banda les yeux. J’essayai de me débattre, mais mon corps était aussi lourd et amorphe que mon esprit était confus. On me maîtrisa facilement. Je réalisai qu’on m’avait ligoté les mains derrière le dos. Comment une telle chose avait-elle pu se produire sans que je m’éveille ? J’avais beau être vanné, je ne dormais que d’une oreille et jamais je n’avais été surpris de cette façon. Puis l’évidence me frappa comme un coup de fouet. Le vin à l’étrange odeur. On m’avait drogué. C’était la seule explication plausible. Mais pourquoi ?
On me mit sur pied avec brusquerie et je me débattis sans plus de succès. Mes efforts furent interrompus par une lame pressée avec insistance contre ma gorge et je compris qu’on m’intimait de me tenir tranquille. Pas un mot ne fut prononcé. À mesure que je m’échauffais les sangs, mes sens me revenaient. Par le frottement des pieds sur le sol, je pus déterminer qu’il y avait au moins trois personnes autour de moi. Une poussée brutale dans le dos me fit comprendre que je devais avancer. J’entendis la porte de ma chambre qui s’ouvrait, et ensuite celle qui donnait sur l’extérieur. L’air frais sur mon visage en sueur me confirma que j’étais à l’extérieur. Des mains empoignèrent solidement chacun de mes bras et je fus entraîné vers l’avant. Ne connaissant pas la forteresse que j’avais à peine entrevue en arrivant, je fus vite désorienté.
La mystérieuse promenade, ponctuée de bourrades impatientes, ne dura guère plus de deux ou trois minutes. Trois coups résonnèrent devant moi, semblable au bruit d’un heurtoir sur une porte. J’entendis le raclement d’un verrou qu’on tire, puis des paroles échangées à voix basse. Un grincement m’indiqua qu’une porte s’ouvrait. On me força à avancer et je faillis trébucher sur le seuil. Deux mains solides me maintinrent sur pied. La porte fut refermée et verrouillée derrière moi.
Je fus mené droit devant puis immobilisé à nouveau. On me fit tourner sur la droite et mon pied ne trouva que le vide. Je compris que j’étais au sommet d’un escalier et cherchai à tâtons la première marche. L’ayant trouvée, je m’engageai, hésitant, toujours soutenu par ceux qui me guidaient. L’escalier semblait interminable. Je tentai d’en compter les marches, mais abandonnai après cent cinquante. À mesure que je descendais, l’air devenait plus frais. Une fois en bas, on m’arrêta. Trois nouveaux coups secs firent ouvrir une seconde porte. On me poussa encore une fois dans le dos mais, cette fois, personne ne me rattrapa lorsque je perdis pied. Je m’affalai de tout mon long sur un sol froid et humide. Tant bien que mal, je me relevai. Les mains liées derrière le dos, les yeux bandés, l’esprit confus, j’attendis, les sens en alerte. Autour de moi régnait le silence le plus total que j’avais jamais entendu. Seuls les battements de
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