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L'Héritage des Cathares

L'Héritage des Cathares

Titel: L'Héritage des Cathares Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hervé Gagnon
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rejeté un monde qui me reniait.
    Le village sombra dans une relative dormance. Les habitants emmitouflés dans des pelisses ne sortaient que pour vaquer à de brèves occupations et s’empressaient de retourner auprès du maigre feu qui réchauffait l’unique pièce de leur maison. Parfois, des flocons de grosse neige molle recouvraient le sol. Rossal ne reprendrait vie qu’au printemps.
    Les énigmatiques voyages de mon père ne cessèrent pas pour autant. Florent passa les mois les plus rudes de l’hiver sur les routes, bravant les éléments sans broncher. Ses absences devinrent de plus en plus longues et j’en conclus qu’il se rendait toujours plus loin, à la recherche de je ne savais quoi. Souvent, le soir, dans mon lit, je m’imaginais entendre le son des sabots de sa monture, au loin, et mon cœur se gonflait d’amertume et de colère contenue lorsque me revenait le souvenir des brigands qui avaient brisé Pernelle. J’avais fait subir aux trois garçons le sort qu’ils méritaient, certes, mais je me savais impuissant à repousser des hommes de la trempe d’Onfroi.
    Un jour d’hiver, alors que tombait une bruine froide, je vis Florent paraître au bout du chemin. Il avait été absent pendant près de trois semaines. Mais cette fois, il revenait accompagné.
    —    Père est de retour, dis-je. Un homme l’accompagne.
    Vêtue d’une jolie robe de serge bleue, ma mère remuait avec
    une cuillère en bois le ragoût de cochon qui cuisait dans un chaudron de fer suspendu à la crémaillère. Nous n’étions pas assez riches pour nous permettre une domestique, mais Nycaise prenait plaisir à ces tâches. Elle vint me rejoindre à la fenêtre, écarta ses cheveux blonds de son visage et plissa les yeux.
    —    Mais qui est donc cet étranger ? dit-elle perplexe.
    —    Je vais aller voir.
    —    Gondemar ! Reste ici ! Nous ne connaissons pas cet homme. Il pourrait nous vouloir du mal.
    Indifférent à ses avertissements, j’attrapai ma pelisse de fourrure et, d’un pas mesuré, je sortis à la rencontre de mon père. J’étais le futur seigneur de Rossal et je devais me conduire comme tel devant les serfs. Lorsqu’il arriva à ma hauteur, Florent m’adressa un salut las. Ses traits étaient tirés et de grands cernes foncés soulignaient ses yeux. Il avait beaucoup maigri et semblait au comble de l’épuisement.
    —    Gondemar, dit-il d’une voix éteinte en inclinant gravement la tête.
    —    Père, répondis-je en lui rendant son salut.
    Mon attention se porta sur l’homme qui l’accompagnait. L’étranger était vêtu d’une pèlerine foncée et gorgée de pluie dont le capuchon collé sur sa tête gardait son visage dans l’ombre. Le vêtement ne camouflait ni ses épaules larges et massives, ni ses mains calleuses aux doigts courts qui tenaient les rênes de sa monture, ni ses cuisses musclées qui serraient fermement le poitrail de la bête. Mon père suivit la direction de mon regard, conscient de ma curiosité.
    —    Gondemar, je te présente Bertrand de Montbard.
    —    Sire de Montbard, dis-je en inclinant la tête, intrigué.
    L’étranger rabattit son capuchon et j’eus un choc. Son visage
    était une ruine. Une épaisse cicatrice rosâtre le traversait de la racine des cheveux jusqu’au bas de la joue gauche pour aller se perdre dans une épaisse barbe poivre et sel. Le coup d’épée qui l’avait tracée voilà longtemps avait crevé l’œil, qui n’était plus qu’un globe d’un blanc laiteux. La lèvre tranchée et mal cicatrisée était retroussée en un rictus menaçant. Son nez avait été cassé à plus d’une reprise et tirait notoirement vers la droite. Son œil encore valide était d’un bleu de ciel d’été et le regard qui s’en dégageait semblait me fouiller l’âme. La pluie avait collé ses longs cheveux gris sur son crâne et ruisselait dans sa barbe. Il avait probablement franchi le cap de la quarantaine, mais les ans ne semblaient pas l’avoir atteint et sa vigueur ne faisait aucun doute. Sa vue me glaça le sang et, bien malgré moi, je reculai d’un pas. Il était aussi inquiétant que le chef des brigands. Cet homme n’avait pas seulement tué souvent ; il pouvait le faire froidement, sans la moindre émotion. J’en avais l’absolue certitude.
    Le frisson qui me parcourait l’échine fut remplacé par la fascination dès que mes yeux se posèrent sur la poignée et la garde d’une épée qui

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