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L'Héritage des Cathares

L'Héritage des Cathares

Titel: L'Héritage des Cathares Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hervé Gagnon
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les villageois cessèrent leurs activités pour nous toiser d’un regard craintif. Ils admiraient notre réussite, certes, mais ils étaient assez réalistes pour savoir que la violence qui assurait leur protection pouvait se retourner à tout moment contre eux. Au loin, j’aperçus Odon, livide de terreur. Lorsque nos regards se croisèrent, il s’enfuit dans l’étable.
    À l’approche de Florent, la foule s’écarta pour lui laisser le passage. L’air solennel, le visage crispé, il s’avança vers Montbard pour entendre son rapport.
    —    Les brigands ne troubleront plus vos terres, sire, annonça-t-il avant de lui relater les événements de la nuit.
    Mal à l’aise, mon père hocha tristement la tête.
    —    Je vois, Mais toute cette violence est-elle bien nécessaire ? demanda-t-il d’une voix éteinte.
    Je franchis les quelques pas qui nous séparaient et me plantai devant lui, la main posée sur la poignée de mon épée en un geste sans équivoque.
    — Elle l’est. Pour prospérer, Rossal a besoin d’un vrai seigneur. À compter d’aujourd’hui, j’assurerai moi-même sa protection avec le sieur de Montbard.
    Me fichant de sa réaction, je m’en fus au manoir qui était maintenant un peu plus le mien. Avec tout ce sang qui me souillait, j’avais besoin d’un bain.

Chapitre 7 Le châtiment
    La leçon donnée aux brigands porta fruit et au cours des années qui suivirent, rares furent les gens mal intentionnés qui osèrent s’attaquer à nos terres. Les quelques fois où nous parvint la rumeur d’exactions perpétrées contre nos serfs, Montbard et moi réagîmes avec la même efficacité brutale que nous avions appliquée à Onfroi et à ses hommes, nous assurant de laisser toujours en vie une ou deux de nos victimes pour répandre notre message. Bientôt, notre réputation de cruauté dépassa les frontières de Rossal.
    J’étais maintenant un homme solide et d’une grandeur peu commune, aux épaules larges et aux muscles saillants. Ma longue crinière rousse me distinguait et je la portais toujours attachée sur la nuque. Par coquetterie, je rasais ma barbe tous les matins. Je soignais mon habillement, la distinction physique entre les serfs et leur seigneur étant chose nécessaire.
    Florent se faisait vieux et n’osait plus s’opposer à ma volonté. À ses yeux, sans doute la prophétie de ma naissance s’accomplissait-elle. Quant à ma mère, elle m’adressait les regards blessés de celle qui voit son enfant s’égarer et qui est impuissante à le remettre dans le droit chemin. Je me fichais de tout cela. Je me sentais enfin libre d’être ce que j’étais vraiment.
    Petit à petit, la terreur imposée aux brigands se répandit parmi les serfs. Me lançant avec enthousiasme dans l’apprentissage des responsabilités et devoirs d’un seigneur, je ne tardai pas à appliquer diverses mesures visant à augmenter la production. Je savais bien que d’autres seigneuries, dont j’avais vent de temps à autre par des voyageurs de passage, produisaient de bien meilleurs rendements que Rossal. Toutes avaient en commun d’être administrées sévèrement par un seigneur qui savait garder les serfs à leur place.
    En matière d’administration, les leçons du père Prelou, si elles dataient déjà un peu, se révélèrent d’une grande utilité. Au lieu de tenir un compte approximatif des récoltes et des surplus après versement des redevances au suzerain, comme l’avait toujours fait Florent, j’implantai une comptabilité rigoureuse avec l’aide de Montbard. Le diable d’homme, rempli de ressources, savait aussi compter. Il m’expliqua que les templiers, grands prêteurs d’argent, avaient innové en mettant au point un système de double comptabilité dont il m’enseigna les mystères. Dès lors, j’organisai mes registres sur deux colonnes : l’une pour les revenus et l’autre pour les dépenses. Je résolus que tous les moyens seraient bons pour assurer que les premiers seraient toujours supérieurs aux secondes. Le résultat fut une administration rigoureuse qui engraissa significativement le trésor seigneurial et qui permettait désormais de planifier les dépenses sans se retrouver à court d’espèces sonnantes et trébuchantes.
    J’acceptai sans le moindre scrupule ce que mon père s’était toujours refusé à admettre : les serfs étaient les instruments grâce auxquels un seigneur bien avisé pouvait s’enrichir. Ils étaient au

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