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L'Héritage des Cathares

L'Héritage des Cathares

Titel: L'Héritage des Cathares Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hervé Gagnon
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mauvaise fortune bon cœur, sachant que c’était là le tribut à verser pour la sécurité nouvelle dont ils jouissaient. Quant à Florent, s’il désapprouvait mes façons de faire, il n’osa rien dire. Ses coffres n’avaient jamais été si bien remplis, ni ses terres si sûres, et cela suffisait à le faire taire. Tout en demeurant seigneur en titre, il ne menait plus rien et en était conscient. Depuis ma naissance, il m’avait toujours craint et je lui en fournissais maintenant les raisons.
    L’efficacité, la rigueur et la froideur avec lesquelles j’abordais mes responsabilités n’améliorèrent en rien mes relations avec les serfs de Rossal, qui trouvaient là une raison supplémentaire de se méfier de moi. Depuis mon enfance, ces gens n’avaient vu en moi qu’un oiseau de malheur et m’avaient gardé enfermé dans un cruel silence. Le mépris et la haine superstitieuse qu’ils avaient affichés pour l’enfant que j’avais été s’étaient mués en une crainte réelle. Ils baissaient les yeux sur mon passage, craignant de se voir attribuer une tâche supplémentaire ou de subir ma main, que j’avais fort leste. Ils n’étaient pas en droit d’attendre quelque faveur de ma part. Je les traitais comme ils m’avaient traité et ils devaient déjà se compter chanceux que je ne le fasse pas plus cruellement. Leur détestation ne m’importait point. Ils devaient accomplir leur devoir et moi le mien. Les deux devaient être impeccables et tout manquement de leur part serait puni sévèrement. C’était là ma manière de diriger une seigneurie, d’y régner et je n’avais aucune raison de m’en priver.
    Je n’eus aucun scrupule, non plus, à invoquer mon droit de cuissage pour assouvir mes besoins charnels lorsqu’ils se faisaient pressants. Si je trouvais encore refuge, de temps à autre, entre les cuisses accueillantes de Jehanne, je ne me privais pas des amusements que me procuraient d’autres filles, malgré les froncements de sourcil et les reproches voilés du père Prelou. J’étais fort beau et bien fait à cette époque. La vie ne m’avait pas encore marqué. Et j’étais aussi le maître incontesté de Rossal, libre d’exercer le droit de vie ou de mort sur quiconque. Aussi m’accueillaient-elles volontiers, la plupart semblant y prendre plaisir, les autres, le feignant de leur mieux.
    Durant ces années tranquilles, un seul événement me causa de réels tourments. Depuis longtemps, j’avais abandonné l’espoir de renouer avec Pernelle, sans pour autant l’avoir oubliée tout à fait. Un matin, Montbard m’apprit qu’un de nos chevaux avait disparu de l’étable. Perplexe, il émit l’hypothèse que la bête avait profité d’une porte mal fermée et partit illico à sa recherche. Quelques heures plus tard, la rumeur se mit à courir dans le village que Pernelle avait disparu. Il ne fallut guère d’effort pour associer les deux événements et je me rendis à la masure que sa famille et elle occupaient toujours. Lorsque j’entrai, je constatai que rien n’y avait changé. Le dépouillement était le même. Ses paroles si cruelles et si tristes me revinrent en mémoire, mais je les chassai aussitôt.
    Les parents de Pernelle étaient passés de vie à trépas depuis quelques années. Celle qui avait été mon amie ne se plaignait sans doute pas de la disparition de son père. Il ne restait dans la maison que deux de ses sœurs, qui semblaient avoir repoussé sans cesse leurs épousailles pour ne pas abandonner Odon. Quand je les questionnai, les deux femmes me confirmèrent ce qui était venu à mes oreilles.
    —    Oui, sire Gondemar, dit Florion, tremblante de peur, en tordant nerveusement sa robe avec ses doigts usés par le travail. Elle songeait depuis longtemps à partir. Elle en parlait parfois - quand elle acceptait de parler. Elle n’a jamais pu être heureuse après, les violences subies jadis.
    —    A-t-elle dit où elle allait ? interrompis-je.
    —    Vers le sud, sire, répondit Sédillonne. Elle disait qu’à défaut de se faire nonne, c’était le seul endroit où elle pourrait peut-être trouver la paix. Que là-bas, elle pourrait laver son âme et se refaire une vie. Elle nous a fait ses adieux en affirmant que nous ne nous reverrions jamais. C’est tout ce que je sais, je le jure sur la tête de la bonne Madone.
    Odon était tout près de Florion - sa mère ou sa tante, j’ignorais laquelle était laquelle. Il serait

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