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L'Héritage des Cathares

L'Héritage des Cathares

Titel: L'Héritage des Cathares Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Hervé Gagnon
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volonté et leur imposant des mauvais traitements au gré de mes humeurs et de mes convictions. Les ténèbres qui avaient envahi mon esprit lorsque j’avais allumé l’incendie qui avait brûlé vifs les habitants de Rossal. Le rejet que j’avais lancé à la face de Dieu lui-même.
    —    Gondemar, dit une voix derrière moi.
    Je me retournai, vif comme un chat. À quelques pas se tenait le père Prelou. Ses cheveux avaient disparu, grillés par les flammes. Son visage était couvert d’affreuses brûlures et de cloques épaisses et sanguinolentes. Ses lèvres, ses paupières et ses oreilles avaient disparu, consumées par le feu. Sa bure en lambeaux laissait paraître de cruelles blessures sur sa peau.
    —    Mon père ? Vous. Vous êtes vivant ? bredouillai-je, à la fois heureux et honteux de retrouver quelqu’un qui m’était familier. Mais. comment. ?
    Des larmes se mirent à couler sur les joues du prêtre, traçant des sillons pâles dans la suie.
    —    Tu m’as tué. Que t’ai-je fait pour que tu me fasses souffrir ainsi ? demanda-t-il. N’ai-je pas tenté tout ce que je pouvais pour faire de toi un homme honorable ? Ne t’ai-je pas donné la connaissance ?
    Je me sentis envahi d’un regret aussi profond que stérile. Tout à coup, le mal que j’avais fait m’apparaissait terrible, impardonnable, et je ne pourrais jamais l’effacer. Je le sentais dans mes tripes comme une blessure profonde et douloureuse. Comment en étais-je arrivé là ? Comment ma conscience s’était-elle flétrie à ce point ? Comment n’avais-je pas vu que je devenais un monstre et que je faisais fi des lois divines ? Montbard, lui, l’avait vu. Il avait tenté de me réformer et je l’avais rejeté. Comme on m’avait rejeté. Je ne valais pas mieux que tous ceux qui avaient été l’objet de ma haine.
    Mon martyre se poursuivit. Autour du père Prelou, d’autres se matérialisèrent un à un, tels autant de fantômes gémissant, criant et geignant, chacun cruellement brûlé, chacun incarnant une de mes nombreuses fautes. Les habitants que j’avais maltraités pour rien, que j’avais fait travailler jusqu’à l’épuisement. Les vieillards sans défense que j’avais battus. Fouques, Alodet et Lucassin, que j’avais laissés pourrir au fond de leur fosse. Toutes les filles que j’avais prises sans qu’elles le désirent vraiment. Mon père, que j’avais méprisé et fini par traiter comme un pantin, sa tête sous son bras. Ma mère, que j’avais déçue, était dans le même état que son époux. Ils m’encerclaient, le regard plein de reproches silencieux qui me causaient mille tourments. Puis ils se mirent à tourner lentement autour de moi en un macabre cortège.
    Je me pris la tête entre les mains et gémis, incapable de supporter la culpabilité. Tous les gestes que j’avais posés, convaincu de mon bon droit, revêtaient un poids immense. Mais il était trop tard. Les larmes qui coulèrent me prirent par surprise. Elles se figèrent en chemin, gelées en place sur mes joues et dans mes cils.
    —    Pardon, gémis-je. Je vous demande à tous pardon.
    Je pleurai avec une amertume que je n’avais jamais connue, si intense, si palpable que je m’y abandonnai tout entier.
    —    Dieu seul peut pardonner les péchés, Gondemar de Rossal.
    Je sursautai lorsque la voix, douce et égale, brisa le silence. Je relevai la tête. Mes morts avaient disparu. À leur place, une créature à nulle autre pareille se tenait devant moi, droite comme un chêne. Elle semblait homme et femme à la fois. Ses longs cheveux lisses, d’une blancheur immaculée, encadraient un visage imberbe et sans âge pour se draper sur ses épaules. Je décidai, sans trop savoir pourquoi, qu’il s’agissait d’un homme. Son corps mince et longiligne était enveloppé d’une longue robe blanche serrée à la taille par une étroite ceinture qui semblait tressée de fils d’or. Ses pieds délicats étaient chaussés de fines sandales du même matériau. Il avait l’air à la fois vieux comme la création et jeune comme un garçon. Il tenait dans sa main une crosse dorée semblable à celle d’un berger. Une aura de lumière l’enveloppait.
    Il avait posé sur moi un regard pénétrant. Dans ses yeux semblait brûler une flamme intense. Sans que je puisse comprendre pourquoi, une frayeur indescriptible me saisit et il me fallut tout ce qu’il me restait encore de courage pour contrôler mes tremblements et

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