L'Héritage des Cathares
croupir dans cet endroit pour l’éternité ? À demeurer privé à jamais de la lumière et de l’amour divins ? À revivre mes erreurs et à maudire mes décisions ? Seul avec les regrets et la contrition qui me rongeraient sans cesse sans le moindre espoir de rédemption ? Pas moi. Pas Gondemar de Rossal. J’étais victime autant que coupable. Je n’étais pas foncièrement mauvais. L’étais-je ?
— Et toi, qui es-tu ? Satan ? Un démon ? demandai-je, d’une voix à peine audible. Tu es venu me tourmenter ?
L’homme secoua la tête. Un sourire triste traversa presque son visage austère.
— Ici, dans la désolation perpétuelle, nul besoin de tourmen-teurs. Ta conscience suffira amplement à alimenter ta misère.
Autour de l’homme, l’aura de lumière s’intensifia et devint glorieuse.
— Je suis Métatron, dit-il en ouvrant les bras avec grâce. Je porte la voix de Dieu et j’annonce sa volonté aux hommes. Je gouverne la mort et le pardon.
L’éblouissement se résorba autour de lui.
— Tu es. un ange ? m’enquis-je, abasourdi.
— Un archange, corrigea-t-il. Je suis aussi ta seule chance de salut.
Une chance de salut ? Perplexe, je n’osai pas tirer espoir de sa dernière phrase. Métatron jeta sur l’enfer un regard rempli de dégoût et une moue déforma ses lèvres.
— Dieu m’a ordonné de te proposer un marché. Alors, discutons. Cet endroit maudit me répugne et il me tarde de retourner là d’où je viens.
— Un. marché ? répétai-je, perplexe.
Il fit quelques pas dans ma direction.
— Une chance pour toi de sortir d’ici, si tu en acceptes les conditions, confirma-t-il.
— Je. je ne suis pas damné ? demandai-je, soudain rempli d’espoir.
— Tu l’es. Tu as fait tout ce qu’il fallait pour mériter ce titre. Tu as exploité ton prochain, tu as tué, maltraité, assassiné, avili. Tu as cédé à l’envie, à la colère, à la luxure et à l’orgueil. Tu as méprisé les prêtres, tu as blasphémé, tu as offensé tes parents. Tu as poussé le sacrilège jusqu’à renier ton Créateur. On peut difficilement faire pire.
Je baissai la tête, honteux. Tout ce que disait Métatron était vrai. Il en omettait même beaucoup. L’archange désigna un banc de bois qui n’était pas là l’instant d’avant et me fit signe d’y prendre place. Stupéfait, j’obtempérai. Il s’assit à mes côtés et lissa sa robe sur ses genoux.
— Personne ne se retrouve ici par erreur, Gondemar de Rossal, dit-il. Si tu y es, au terme de ton existence, c’est que Dieu a jugé que la vie que tu avais menée ne valait pas mieux.
Je restai muet. Je savais fort bien ce que j’avais été et cette créature aussi. Je n’avais rien à gagner à mentir ou à négocier. J’attendis la suite, espérant que mon âme, si tant est qu’elle valût encore quelque chose, puisse y trouver une échappatoire.
— Dieu m’a permis d’admirer ton existence dans toute sa. splendeur. De sa première à sa dernière minute, dit Métatron avec une moue dégoûtée. Je dois admettre que j’ai vu bien pire, mais j’ai aussi connu beaucoup mieux. Au fond, tu es plus à plaindre qu’à blâmer. Tu es né marqué et prédisposé au Mal. Toute ta vie en a été conditionnée. Maintenant, dans son infinie sagesse, Dieu t’offre une chance de regagner ton salut.
Je n’osai rien dire, de peur que l’archange change d’avis. Anxieux et apeuré, j’attendis la suite.
— À certaines conditions, tu peux encore sauver ton âme, déclara Métatron en regardant droit devant lui. Comprenons-nous bien : Dieu ne t’offre qu’une chance de rédemption. Il ne te donne aucune garantie, sinon celle de reconsidérer ton sort si telle est sa volonté. Mais tu aurais au moins une chance alors que, présentement, tu n’en as aucune.
— Que dois-je faire ? m’enquis-je avec anxiété.
— Tu devras protéger la Vérité et l’empêcher d’être détruite par ses ennemis jusqu’au moment où l’humanité sera prête à la recevoir.
— Que veux-tu dire ?
— Tu as l’âme d’un guerrier. Tu aimes le combat et le triomphe. Ton cœur s’est durci au fil de ton existence. Tu es devenu violent, mais tu sais aussi planifier. Tu es froid et efficace. Tu ne crains pas la solitude et tu as du courage. Beaucoup de courage. De plus, il reste en toi une étincelle de bonté qui mérite d’être
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