L'Héritage des Templiers

l’absolution après avoir participé au meurtre de son époux. Pendant un siècle, criminels, aventuriers, faussaires et contrebandiers se réfugiaient ici pour échapper à la justice, à condition de rendre l’hommage adéquat au pape. »
    Traversant une autre pièce, ils parvinrent à la chambre du Cerf. Claridon alluma une série de lampes halogènes. Malone s’attarda suffisamment à la porte pour jeter un coup d’œil derrière lui. Une ombre courut sur le mur ; ils n’étaient pas seuls. Il savait qui les suivait : une femme « de couleur », pour reprendre l’expression de Claridon, élancée, séduisante et athlétique. Elle les avait suivis à l’intérieur du palais.
    « Nous nous trouvons au point de jonction du palais vieux et du palais neuf, expliquait Claridon. Le vieux se trouve derrière nous, le neuf au-delà de ce portail. Nous sommes dans le cabinet de travail de Clément VI. »
    Malone avait glané quelques détails sur Clément VI dans le guide. C’était un passionné de peinture, de poésie, de musique et d’amour courtois qui n’appréciait guère la compagnie des animaux. « Mes prédécesseurs ne savaient pas être papes », aurait-il déclaré avant de transformer l’ancienne forteresse de Benoît XII en palais fastueux. Les fresques qui les entouraient témoignaient elles aussi de son amour du faste : champs, bosquets, ruisseaux sous un ciel sans nuage. Des hommes équipés de filets près d’un étang verdâtre envahi de piques. Des épagneuls bretons. Un jeune noble et son faucon. Un enfant en haut d’un arbre. De l’herbe, des oiseaux, des baigneurs. Les verts et les bruns prédominaient, mais une robe orange, un poisson bleu et les fruits sur les branches apportaient quelques touches de couleur.
    « Clément fit réaliser ces fresques en 1344. On les a retrouvées sous le lait de chaux appliqué par les soldats lorsque le palais a été transformé en caserne au XIX e siècle. Cette pièce permet de comprendre la papauté, et en particulier Clément VI. Certains l’avaient baptisé Clément le Magnifique. Il n’avait pas la vocation religieuse. Absolution, réintégration dans l’Église après excommunication, rémission des péchés, réduction de la durée du séjour au purgatoire pour les vivants et les morts : tout avait un prix. Avez-vous remarqué qu’il manque quelque chose ? »
    Malone examina de nouveau les fresques. Les scènes de chasse témoignaient d’un clair désir de fuir le réel ; on y voyait des gens en train de s’amuser dans un paysage vallonné, mais rien de particulier n’attira son attention.
    Tout à coup, il fut frappé par un détail.
    « Où est Dieu ?
    — Bien vu, monsieur. Vous ne trouverez pas un seul symbole religieux dans tout le palais de Clément VI. Cette omission est éloquente. Cela ressemble davantage à la chambre d’un roi qu’à celle d’un pape et c’est ainsi que se voyaient les prélats d’Avignon. C’est à ces hommes-là que l’on doit la destruction des Templiers. À partir de 1307 avec Clément V, complice de Philippe le Bel, et jusqu’en 1378 avec Grégoire XI, ces individus corrompus ont écrasé l’ordre du Temple. Lars a toujours cru, et je partage son point de vue, que cette pièce prouvait les véritables valeurs de ces individus.
    — Pensez-vous que l’ordre a survécu ? demanda Stéphanie.
    — Oui. Les Templiers sont là, quelque part. Je les ai rencontrés. J’ignore ce qu’ils sont réellement. Mais ils existent. »
    Malone avait du mal à décider s’il s’agissait de faits ou des suppositions d’un homme qui voyait des conspirations là où il n’y en avait pas. Tout ce dont il était sûr, c’est que ses compagnons et lui étaient suivis par une femme suffisamment experte pour tirer une balle dans un tronc d’arbre à quelques centimètres de son crâne d’une distance de cent mètres en pleine nuit par vent de soixante-cinq kilomètres-heure. Elle lui avait peut-être même sauvé la vie à Copenhague. Et contrairement aux Templiers, elle était bien réelle.
    « Mettons-nous au travail, proposa Malone.
    — Suivez-moi », fit Claridon en éteignant les lumières.
    Ils traversèrent le palais vieux jusqu’à l’aile nord et au centre des congrès. Un panonceau indiquait que la ville venait de créer ces équipements afin de récolter des fonds visant à financer de futurs travaux. La salle du Conclave, la chambre du Trésorier et le Cellier