L'Héritage des Templiers
Rochefort se leva, encore un peu étourdi. Deux des murs de la longue pièce étaient en pierre, les deux autres recouverts de lambris d’érable. Une armoire sculptée occupait l’un des pans de mur, une commode, un coffre, une table et des chaises en occupaient un autre. Son regard s’arrêta sur la cheminée, l’endroit le plus logique, semblait-il. Il savait que, par le passé, rares étaient les pièces ne disposant que d’un seul accès. Celle-ci servait de quartiers privés aux maîtres de l’ordre depuis le XVI e siècle et si ses souvenirs étaient exacts, le manteau en bois de la cheminée avait au XVII e siècle remplacé un âtre en pierre plus ancien. On ne l’utilisait que rarement aujourd’hui puisque l’abbaye était équipée du chauffage central.
De Rochefort s’approcha et examina les sculptures avant de se pencher sur le foyer en pierre ; il découvrit des marques blanches à peine visibles et perpendiculaires au mur.
Il se baissa pour regarder de plus près l’âtre sombre. Il passa la main dans le conduit.
Et trouva quelque chose.
Une poignée de verre.
Il essaya de la faire tourner, mais rien ne bougea. Il la poussa vers le haut, vers le bas. Toujours rien. Il tira. La poignée bougea de quelques centimètres à peine, entraînant un déclic. Le maître lâcha la poignée et vit qu’un film gras lui recouvrait les doigts. De l’huile de graissage. On n’avait rien laissé au hasard.
Il examina l’âtre.
Une fente traversait la paroi du fond. Il poussa le panneau de pierre, révélant une ouverture assez large pour permettre à un homme de s’y glisser. Il y entra. L’ouverture donnait sur un tunnel suffisamment haut pour pouvoir se mettre debout.
Au bout de quelques mètres, on accédait à un escalier raide dont il était impossible de dire où il menait. Il existait sans nul doute d’autres entrées et sorties dérobées à travers l’abbaye. Il était maréchal depuis vingt-deux ans et découvrait pourtant l’existence de ce passage secret.
Le maître, en revanche, en connaissait l’existence, ce qui expliquait comment Geoffrey pouvait être au courant.
Il frappa du poing contre le mur de pierre, donnant libre cours à sa colère. Il devait trouver le legs des Templiers. Sa crédibilité en tant que chef de l’ordre en dépendait. Le maître était en possession du journal de Lars Nelle, de Rochefort le savait depuis de longues années, mais il n’avait jamais réussi à s’en emparer. Il s’était dit que, une fois le vieil homme parti, la chance lui sourirait, mais le maître avait anticipé sa réaction et expédié le manuscrit à un destinataire étranger. Aujourd’hui, la veuve de Nelle et l’un de ses anciens collaborateurs, agent du gouvernement américain parfaitement entraîné, étaient entrés en contact avec Royce Claridon. Rien de bon ne sortirait de leur collaboration.
De Rochefort se calma.
Pendant des années, il avait œuvré dans l’ombre du maître. Désormais, le maître, c’était lui. Et il n’allait pas laisser un fantôme lui dicter ses faits et gestes.
Il inspira profondément deux ou trois fois et se remémora comment tout avait commencé. 1119. La Terre sainte venait enfin d’être reprise aux Sarrasins, et les États latins d’Orient, établis, mais un grand danger subsistait toujours. C’est alors que neuf chevaliers s’allièrent en faisant au nouveau roi chrétien de Jérusalem le serment d’assurer la protection des pèlerins qui se rendaient en Terre sainte ou en revenaient. Mais comment neuf hommes d’âge mûr, ayant fait vœu de pauvreté, auraient-ils pu protéger la longue route menant de Jaffa à Jérusalem que des centaines de bandits sillonnaient ? Détail encore plus étrange, durant les dix premières années d’existence de l’ordre, aucun nouveau chevalier n’était venu grossir leurs rangs, et les chroniques ne faisaient mention d’aucune aide apportée à des pèlerins. La vérité, c’est que les neuf fondateurs de l’ordre se consacraient à une tâche beaucoup plus importante. Leur quartier général était situé à l’emplacement de l’ancien Temple, là où se trouvaient autrefois les écuries du roi Salomon, salle comptant d’innombrables arches et autres voûtes, aux proportions si gigantesques qu’elle avait jadis logé deux mille bêtes. Les templiers avaient mis au jour des passages souterrains creusés dans la roche plusieurs siècles auparavant et dont beaucoup
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