L'histoire secrète des dalaï-lamas
procès, et pendant les dix-sept jours qui suivent jusqu’au jugement, Choekyi Gyaltsen subit ce que les Chinois appellent le thamzing [*] devant un public, nombreux et trié sur le volet : il y des Hans, des Mandchous, des Mongols, des musulmans, des Tibétains, des lamas gelugpas, des laïcs, et même quelques proches. Menotté, sur une estrade, devant le portrait de Mao Zedong accroché au mur, chaque séance dure de neuf à dix heures... Debout, le panchen-lama est harcelé de questions. Les premières heures portent sur sa vie, sa famille, ses relations. Le public participe à l’interrogatoire et l’accuse d’avoir trahi la Mère-Patrie. La tension monte. Au fil des heures, le comportement de la salle change radicalement à son égard. On l’accuse bientôt d’avoir comploté avec le dalaï-lama. Les coups pleuvent, son corps saigne, sa mâchoire est brisée, mais le panchen-lama n’en veut pas à ceux qui se trouvent dans la salle. S’ils n’avaient pas participé à ce jeu cruel et sordide, ils auraient eux aussi subi la séance de thamzing. Il se voit finalement condamné à quinze années de laogaï [*] , un goulag à la chinoise où l’on réforme l’esprit par le travail.
Le 17 décembre 1964, Pékin le démet de toutes ses fonctions officielles. Le 21, Zhou Enlai propose même au panchen-lama de « se repentir ».
Choekyi Gyaltsen refusera.
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Un Trésor caché ?
Lhassa, le 22 janvier 1940... Une foule énorme se presse dans là capitale. Lhamo Dhondup, l’enfant réincarné du treizième dalaï-lama, doit être intronisé par le régent Reting Rinpoché. La date a été fixée par les astrologues du gouvernement. La cérémonie se déroule dans le Si-Shi Phuntsok, la salle de toutes les bonnes actions des Mondes spirituel et temporel , devant sa famille et les représentations de la Chine nationaliste, des Indes britanniques, du Népal, du Bhoutan et du Sikkim. Les ministres du gouvernement tibétain, les tulkus, les plus grands dignitaires du bouddhisme tibétain, la noblesse et Tagdra Rinpoché, le second précepteur qui, après la démission de Reting le 1er février 1941 s’apprête à prendre la régence, sont là aussi, dans leurs habits d’apparat.
Ce matin-là, Reting Rinpoché procède à la tonsure du petit garçon et lui donne le nom religieux de Jetsun Ngawang Lobsang Yeshi Tenzin Gyatso Sisum Wangyur Tsungpa Mepai Dhe Palsangpo.
Le quatorzième dalaï-lama – Tenzin Gyatso – est donc un petit garçon de cinq ans, quand il s’installe au dernier étage du Potala.
Le monde est en guerre
En 1942, le dalaï-lama s’apprête à célébrer son septième anniversaire, sous la régence de Tagdra Rinpoché. L’Asie est en guerre, comme le reste du monde, exceptés le Tibet et la Mongolie, demeurés neutres. Cette attitude coûtera cher aux Tibétains.
Un tour d’horizon des conflits s’impose. En Europe d’abord : le 1er septembre 1939, alors que l’expédition Schäfer est à peine rentrée à Munich, l’Allemagne envahit la Pologne ; puis elle se rue sur les Pays-Bas, la Belgique, le Luxembourg ; la France, à moitié occupée, signe l’armistice, le 22 juin 1940. Seul le Royaume-Uni, dirigé par le Premier ministre Winston Churchill [384] résiste et reçoit le soutien des Etats-Unis.
Lorsque Hitler décide, le 22 juin 1941, de porter la guerre en Russie contre les communistes, ses armées parviennent, en moins de trois mois, devant Leningrad et Moscou.
Parallèlement, en Asie, le 7 décembre 1941, l’aviation nippone détruit la flotte américaine à Pearl Harbour. La réaction américaine est immédiate. Le président Roosevelt [385] déclare la guerre au Japon, provoquant en retour la déclaration de guerre de l’Allemagne et de l’Italie aux Etats-Unis.
En Asie encore, les nationalistes chinois de Tchang Kaï-shek s’allient aux Américains contre le Japon.
Autour de l’opération Dragon
Entre 1942 et 1943, le président Roosevelt lance l’opération Dragon. À la manœuvre, les services secrets américains. Au mois de juin 1942, l’ OSS [386] , l’agence de renseignements créée avec l’entrée dans le conflit des États-Unis, est dirigée par William Joseph Donovan [387] , un général irlandais.
En Asie, le général Joseph Stillwell [388] , dit Joe le Vinaigre pour son manque de diplomatie, était attaché militaire auprès de l’ambassade des Etats-Unis à Nankin, la capitale de la République de Chine en 1939,
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