L'histoire secrète des dalaï-lamas
mais seulement à ceux qui ont fait partie de l’entourage de Choekyi Nyima à Tashilhunpo et à Jyékundo.
Hélas, voilà que les nationalistes rentrent dans la partie, Tchang Kaï-shek décidant de soutenir l’enfant pressenti par le conseil des khenpos. C’est donc en 1944 que, sept ans après la mort du neuvième panchen-lama et onze ans après celle du treizième dalaï-lama, Lobsang Tseten devient, à la surprise générale, le dixième panchen-lama : il sera ordonné cinq ans plus tard, le 10 août 1949, au monastère de Kumbum, sous le nom de Choekyi Gyaltsen.
Et le candidat de Lhassa ? L’enfant de Litang a été écarté, malgré les certitudes de la délégation officielle du gouvernement tibétain et du régent Reting Rinpoché. C’est avec un statut de lama de second rang, sous le nom de Panchen Aku Rinpoché, qu’il quittera le Tibet, en 1950 : Aku vit depuis en Écosse.
L'espérance perdue
Chef des missions commerciales tibétaines en Inde, aux États-Unis et en Grande-Bretagne, Shabakpa est l’auteur d’un rapport sur la situation du Tibet avant 1959. Remis à la Commission internationale des Juristes qui enquête sur l’occupation de la Chine, les transferts de population, les tortures, les avortements forcés commis par les communistes, le Tibétain nie dans ce document toute pratique du servage : « Comme dans d’autres pays d’Asie, la terre appartient en fin de compte à l’État, et depuis longtemps elle a été attribuée, parfois sous forme de grandes propriétés, à des personnes qui ont rendu des services, écrit-il. Les monastères servent l’Etat par la prière et les cérémonies religieuses ; les autres propriétaires sont en réalité des fonctionnaires chargés de l’administration de ces domaines. Toutefois, la plus grande partie de la terre appartient à de petits propriétaires qui versent directement un impôt au gouvernement et ne sont soumis à aucune autre restriction de propriété, quelle qu’elle soit. Dans les vastes propriétés, appartenant aux monastères et aux grands propriétaires fonciers, les fermiers détiennent des terres séparées du reste, qu’ils cultivent pour subvenir aux besoins de leurs familles. Ils payent un loyer en nature au propriétaire ou mettent à sa disposition les services d’un membre de leur famille, soit comme domestique soit comme travailleur agricole. Les autres membres de la famille jouissent d’une complète liberté ; ils peuvent se livrer à l’activité de leur choix, embrasser une profession quelconque, entrer dans un monastère ou travailler sur leur propre terre. En 1909, le treizième dalaï-lama édicta un Règlement qui reconnaissait à tous les locataires le droit de faire appel directement à lui dans le cas de mauvais traitements ou d’abus de pouvoir commis par le propriétaire [380] . » Ce tableau de Shabakpa, ancien ministre des Finances du gouvernement tibétain, ne reflète malheureusement pas la réalité d’alors. Depuis fort longtemps, un certain nombre de moines fidèles à l’ancien régent Reting Rinpoché ont en effet codifié un système de prêts aux paysans pour les années de mauvaises récoltes, barème qu’accompagnent des abus irréparables et des taux d’intérêts exorbitants. L’autre régent, Tagdra, et le kashag avaient essayé d’abolir ce système : trop nombreux étaient les lamas et les aristocrates, amis de Reting, à continuer à s’enrichir, en confisquant les récoltes, en volant les chevaux et en s’emparant des troupeaux de yacks, de moutons, de chèvres, lesquels comptaient souvent plusieurs centaines de têtes. Sans succès.
En 1952, dans un pays occupé par la Chine communiste, le quatorzième dalaï-lama, promu chef d’Etat le 17 novembre 1950, semble, lui, vouloir réformer profondément la société tibétaine, estimant que le bouddhisme n’est plus compatible avec une répartition inégale des richesses. Il est aidé dans sa tâche par son frère Gyalo Thondup qui, grâce aux cinquante mille dollars offerts par Tchang Kaï-shek et sa femme, a pu suivre des études de sciences politiques à Nankin, la capitale de la Chine nationaliste. Les deux hommes sont bien décidés à frapper un grand coup sur deux secteurs très sensibles : le foncier et les impôts. Le dalaï-lama créé une commission de réformes chargée d’étudier toutes les propositions avant d’en référer à l’Assemblée nationale. Une première réforme concerne
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