L'histoire secrète des dalaï-lamas
indication pouvant guider les Bonnets jaunes dans leurs investigations.
Les mois, les années passent, aucune trace d’un enfant réincarné. ..
Au mois d’août 1941, un rapport de six pages des autorités du comté de Litang, dans le Kham, rédigé en mandarin, explique comment la délégation du gouvernement de Lhassa a mis la main sur la réincarnation de Choekyi Nyima, un garçonnet devenu le candidat officiel de Lhassa. En voici un extrait : « Le 28 décembre 1938, entre cinq heures et six heures du matin, une première série d’indices a accompagné la naissance de leur fils : le ciel s’est illuminé d’une intense clarté qui s’est lentement coulée dans l’immensité pour encercler le croissant de lune dans un arc bandé dont la flèche dorée était pointée vers la caverne où il venait de voir le jour (...). Dans les semaines et les mois qui ont suivi sa naissance, d’autres indices ont confirmé les précédents : un mantra s’est dessiné sur sa glabelle, la petite proéminence qu’il a juste au-dessus de ses sourcils ; ce même mantra est réapparu à chacun de ses deux anniversaires correspondant aussi à celui du fondateur de la lignée gelugpa ; l’enfant a parlé très tôt, et ses premiers mots ont été ce mantra qu’il récitait toujours d’une étonnante voix claire et forte, tantôt assis dans la position du lotus tantôt debout ; entre-temps, il a refusé le sein de sa mère pour ne se nourrir que des aliments contenus dans le bol d’offrandes disposé sur l’autel familial devant la statuette du Bouddha Sakyamuni. » Le groupe de recherches de Lhassa a conduit l’enfant dans un monastère des environs de Litang. Pour autant neuf autres candidats sont présélectionnés, en plus de lui. Lequel est le vrai panchen-lama ? En 1944, les voici tous transportés au monastère de Kumbum, dans l’est du Tibet. Les trois groupes de recherche sont là. Cette fois, ils ont pour mission de désigner le dixième panchen-lama, parmi les dix enfants présents.
Quatre candidats commencent par mourir d’une maladie mystérieuse, inexplicable. Il n’en reste plus que six.
Les lamas doivent se décider...
Oui, le garçonnet de Litang pourrait bien être le dixième panchen-lama : son père, Tudun Lingyang, d’origine bhoutanaise, était moine à Tashilhunpo et a suivi le neuvième panchen-lama dans son exil. À la mort de son maître, il a rompu ses voeux, erré dans l’Amdo et dans le Kham ; c’est fortuitement qu’il a rencontré sa femme, sur le bord d’une piste qui menait à Jaya, un village du district de Lihua du canton de Ganzi. Tudun et Gesang se sont mariés et la jeune femme a rejoint la caverne où il vivait, près du village de Zheduotang. C’est là que leur fils est venu au monde, dans les conditions que la délégation officielle du gouvernement de Lhassa a rapportées dans son document.
Tous ces signes auraient pu suffire, si ce n’est qu’il y a, parmi les six candidats, un autre garçonnet de six ans. Il s’appelle Lobsang Tseten, né le 3 février 1938 : il est le candidat du conseil des khenpos de Tashilhunpo. Si tous les autres candidats ont été éliminés, les délégations s’interrogent encore. Lui aussi a reconnu tous les objets ayant appartenu au neuvième panchen-lama. Et le voici qui enfile une bague : Choekyi Nyima aimait la porter ; il s’empare d’un bol de santal : c’est celui du défunt panchen-lama. Lobsang bégaie, surtout quand il est en colère, comme le panchen-lama, comme tous les panchen-lamas...
Les deux candidats sont au coude à coude. Celui de Litang est plus rapide dans ses gestes, moins hésitant. Ils sont seuls dans la pièce, avec les délégués des trois groupes de recherches.
Les oracles ont confirmé que le panchen-lama se trouvait toujours dans la pièce. Il y a alors un moment intense : Lobsang Tseten se redresse, ajuste ses vêtements, traverse le temple et se plante devant un homme, s’écriant : « Katchen Pasang !» On s’étonne, on s’interroge du regard. Non... non... Lobsang n’a jamais vu cet homme auparavant... sauf dans sa précédente vie : originaire du district de Riwoché, Katchen Pasang a chanté l’opéra pour le neuvième panchen-lama et il était son interprète favori. Un autre événement survient : à la fin de la séance, le garçon se dirige vers les trois délégations, salue les personnalités religieuses et laïques, délivre quelques marques d’affection,
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