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L'holocauste oublié, le massacre des tsiganes

L'holocauste oublié, le massacre des tsiganes

Titel: L'holocauste oublié, le massacre des tsiganes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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d’années, auteur de nombreuses études sur la question, il dirigeait un service dans un institut entièrement consacré aux problèmes posés par les différentes races humaines. Après mon retour à Paris, j’ai en effet appris qu’il existait à Berlin un Institut pour la race et le peuplement. Il avait été chargé par le Reichsführer S.S. Heinrich Himmler en personne, de préparer la publication d’un dictionnaire des principaux dialectes tsiganes. « Vous comprenez, me dit-il, il n’existe aucun véritable dictionnaire de leurs langues : seulement des lexiques de quelques mots. Une équipe de dix personnes que je dirige, tous des spécialistes des questions tsiganes, s’acharnent sur ce travail depuis maintenant deux ans. Nous avons plusieurs dizaines de milliers de fiches. C’est une entreprise gigantesque car, rien que pour le Reich, nous avons découvert plus de quinze véritables langues. » Je ne suis pas spécialiste en philologie et j’ai oublié la presque totalité de ses explications. Et puis, à l’époque, j’avais bien d’autres préoccupations – ne serait-ce que de ne pas être assassiné – que l’étude des parlers tsiganes. Je demandai tout de même si à Buchenwald ou Dachau il avait appris de nouveaux mots.
    — « Oh non ! me répondit-il, la langue des « malades » est parfaitement connue. Ici nous complétons nos renseignements comment dire, d’anthropologie… de « raciologie ». Chaque tsigane connu, possède à notre Institut un dossier qui lui est réservé. Nous devons connaître ses origines, sa filiation complète, ses déplacements. Nous allons plus loin avec les tsiganes qu’avec les autres races. Cette étude comme le dictionnaire est unique. C’est la première fois que de telles observations, sont entreprises dans le monde. Nous devons tout connaître des tsiganes. Ici je suis venu compléter simplement nos fiches en profitant des différents relevés qui ont été effectués par le professeur Beiglbock au moment de l’hospitalisation des « malades ». J’avoue aujourd’hui ne pas avoir osé lui parler de ces expériences inhumaines et inutiles qui se déroulaient dans le Block 1/4. C’est très joli d’établir un dictionnaire, d’accumuler des archives sur un peuple que l’on assassine. Le tsigane sera bientôt une langue morte. Morte comme tous les tsiganes. Et vous, monsieur le professeur, vous n’étudiez pas le yiddish… c’est pourtant une langue judéo-allemande ; ça devrait vous passionner ? Je n’ai pas eu le courage. Les déportés seuls peuvent me comprendre. Et c’est pour moi le principal.
    — Je lui remis une copie de toutes mes observations sur les yeux des tsiganes-cobayes. En cinq ou six jours de présence, le « civil-professeur » dut bien rafler trois ou quatre kilos de paperasses qui iraient s’entasser dans les archives poussiéreuses de l’institut pour la race et peuplement. »
    — « L’ambiance », « l’atmosphère », me permettaient tout de même des questions.
    — « Ces recherches sont limitées aux tsiganes, aux juifs, aux noirs ? »
    — « Nous avons un secteur pour les juifs mais rien de comparable avec ce qui a été entrepris, à la demande d’Himmler, pour les tsiganes. Les tsiganes, voyez-vous, sont différents des autres peuples. Beaucoup ont conservé leur pureté originelle, pureté raciale s’entend. Ils sont de véritables aryens. C’est pour cela que nous devons mieux les connaître. Un avenir important leur est réservé dans le Reich. Des villes leur seront réservées, des écoles, une université. Nous les intégrerons. Ils iront peupler les colonies en Afrique, peut-être des îles. Himmler a de grands projets pour eux après la guerre. Ils deviendront des citoyens comme les autres et le temps des roulottes, des feux de bois et des chapardages serait terminé. Pour les juifs et tous les criminels asociaux, c’est différent. Il n’y a pas de place dans notre monde pour eux.
    — Décidément je n’avais rien compris et « notre monde » ne devait pas avoir de place, non plus, pour moi car pendant que le « civil-professeur » me vantait les mérites de la race tsigane qu’il admirait je crois sincèrement, dans la baraque expérimentale 1/4, quarante-quatre jeunes tsiganes devenaient fous. Ils hurlaient comme des cochons en regardant leur peau parcheminée se détacher en plaques. Ils ne devaient pas être reconnus assez purs pour jouir, enfin,

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