L'holocauste oublié, le massacre des tsiganes
enquêteurs. Si parfois elle est insuffisante, c’est que le ravitaillement n’a pu s’effectuer normalement. La ration journalière de pain est de 275 g par personne. Tous les dimanches, distribution de viande ; les jours sans viande, chaque détenu reçoit trois œufs. Mais le menu est toujours le même, et aux deux repas de midi et du soir, on distribue invariablement des pois-chiches et des pommes de terre. Pas de café le matin, mais les familles qui comptent de jeunes enfants ou des malades, se répartissent 42 litres de lait pur. Un problème préoccupant, celui de l’eau. On prend le précieux liquide au puits du château voisin, et cela n’a pas l’heur de plaire au propriétaire du domaine.
— Ce qui laisse le plus à désirer, c’est l’hygiène. Pas ou peu de distribution de savon ou de lessive. Le linge et les vêtements sont malpropres. La Kommandantur prescrit de lutter énergiquement contre les parasites ; et elle donne de judicieux conseils qui ne peuvent guère être utilisés, étant donné la pénurie de toutes choses. Il faut mettre du chlorure de chaux dans les fosses d’aisance, multiplier les douches, employer du savon au xylol, désinfecter les vêtements à l’autoclave, ou les porter à une chaleur sèche de 70°. Évidemment, des bains pourraient être pris dans la baignoire et la grande lessiveuse réservée pour cet usage. Mais depuis l’ouverture du camp jusqu’au 30 mai 1941, c’est-à-dire pendant sept mois, si deux personnes ont pris un bain, c’est parce qu’elles y ont été contraintes ; elles étaient couvertes de poux et leurs vêtements ont dû être brûlés. Avec le temps et l’augmentation du nombre des internés – leur nombre est de 118 le 18 novembre 1940, de 203 fin novembre, de 250 le 19 juin 1941, de 291 le 24 décembre, de 370 le 17 mars 1942 – la malpropreté du camp s’aggrave. Les cantonnements sont sales et désordonnés, la literie manque ; pas de paille fraîche pour le couchage. Les objets d’ameublement et de ménage et les sièges sont absents. Les internés sont en haillons ; ils manquent des vêtements strictement nécessaires. Les bâtiments du camp sont dans un état déplorable ; les toits sont défectueux, les portes et les fenêtres ne ferment pas ; il n’y a plus de clés, ni souvent de serrures. Les volets, les parquets des greniers ont été transformés ou brûlés. Les tuyaux de plomb, les fils électriques ont été arrachés et vendus par les nomades. Les feuilles métalliques existant ici ou là ont été utilisées pour réparer les roulottes. Des dépôts d’immondices s’étalent un peu partout. La nuit, pas d’éclairage. Et le 17 mars 1942, le major Fitscher, de la Feldkommandantur, qui a constaté tous ces faits met la préfecture en demeure d’y remédier.
— Les départements côtiers continuant à refouler sur la Sarthe de nouveaux internés, on projette, en juillet 1941, de créer un second camp, les nomades seraient alors rassemblés dans deux camps de chacun deux cents personnes. Ce serait l’idéal. Des officiers de la Feldkommandantur vont visiter à Conlie une propriété qui leur a été signalée, mais trouvent qu’elle ne se prête pas du tout à l’installation d’un camp d’internement. Personne ne pousse plus loin les recherches, et le camp de Coudrecieux reste plein à craquer.
— En mars 1942, une solution est enfin trouvée. Le camp de Mulsanne où étaient gardés les Français, prisonniers du Front – Stalag 203, a été libéré depuis quelque temps par le départ de ses occupants pour l’Allemagne. L’Administration préfectorale prend en charge le camp évacué. Avec l’accord des Allemands, elle décide de fermer Coudrecieux et de faire de Mulsanne un camp régional de concentration de nomades. On projette même d’en confier le commandement à un capitaine allemand. Et fin mars 1942, le camp de Coudrecieux a vécu.
— À Mulsanne, on interne avec les nomades les six filles soumises, atteintes de maladies vénériennes, arrêtées dans la Sarthe. Puis les camps de Moisdon-la-Rivière (Loire-Inférieure), de Choisel près de Châteaubriant, de Monthléry, de Rennes, de Barenton, dans la Manche, et un camp de Seine-et-Oise dont le nom ne nous est pas connu, déversent sur Mulsanne tous leurs occupants. Et le 8 juillet 1942, le camp régional rassemble 877 internés.
— Trois brigadiers et vingt et un gardes répartis en trois brigades, surveillent
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