L'holocauste oublié, le massacre des tsiganes
655 juifs composant le vingt-troisième convoi à destination d’Auschwitz eurent été entassés dans les wagons, les détenus du Sammellager Mecheln virent par leurs fenêtres s’avancer une foule étonnante, « femmes aux larges jupes bariolées, hommes aux serre-tête de soie, les enfants en croupe, tous en haillons ». Ils partaient encore plus pauvres que les juifs, sans aucun bagage. Le convoi Z du 15 janvier 1944 emmenait ainsi 351 tsiganes vers l’extermination (32) , seuls 11 (ou 12) d’entre eux vécurent la libération. L’histoire s’en est fort peu préoccupée. Ainsi à Nuremberg, aucun tsigane ne fut appelé à déposer (33) .
— … Les familles tsiganes installées en Belgique ou y transitant furent surprises par l’invasion et, avec quelques deux millions de Belges, la plupart refluèrent vers la France…
— Le 6 décembre 1941, neuf chefs de familles tsiganes lançaient un appel au consul général belge à Paris :
« Nous vous envoyons cette lettre pour vous faire savoir que pendant l’exode nous avons évacué et nous sommes partis en France quelques mois et nous retournions en Belgique quand nous avons été pris par les Français et mis dans un camp. Nous sommes des sujets belges et nous n’avons jamais quitté la Belgique où nos enfants et nous-mêmes nous sommes nés… Ayez la bonté, monsieur, de bien vouloir vous occuper de nous et nous faire rapatrier le plus vite possible car depuis un an nous sommes enfermés et nous souffrons la pire des misères. »
— La lettre est datée du camp de Linas-Monthléry (Seine-et-Oise) en zone occupée…
— Les maigres données rassemblées permettent de dater du 22 octobre 1943 à Tournai les premières arrestations (en Belgique) connues : 19 personnes, la famille Karoli. Vont se succéder rapidement en novembre et jusqu’au 6 décembre, les arrestations opérées à Tournai encore, Hasselt, Bruxelles, Arras, Roubaix. Le scénario est chaque fois semblable : au petit matin, des camions de la Feldgendarmerie encerclent les roulottes. Armes au poing, les policiers font monter les familles au complet dans les camions. Les itinéraires menant à Malines varieront selon les cas. On constate ainsi que né à Bruxelles le 6 décembre, un bébé sera interné le jour même à la caserne Dossin. Parmi les 36 premiers entrants (date ignorée) figure Paprika Galut, arrêtée avec sa famille à Hénin-Liétard. Après une nuit à Lille, elle sera expédiée à Malines. Par contre, Kore Taicon, arrêté à Tournai, passera d’abord une quinzaine de jours à la prison de cette ville. Au 6 décembre 1943, Malines renferme 166 tsiganes dont l’arrestation a été opérée en Belgique et dans le nord de la France. Trois jours après se présentent aux portes de la caserne les 182 victimes qui compléteront le convoi.
— En septembre 1942, est-ce le résultat de l’appel de Linas ou d’autres interventions, le consul général de Belgique à Paris s’adresse au préfet de Maine-et-Loire en se proposant de régulariser la situation ou de rapatrier de « nombreux Belges qui se trouveraient internés à Montreuil pour manque de pièces d’identité ». Le 6 octobre il est en possession d’une liste de 59 ressortissants belges « ou se disant tels » qu’accompagne la justification des pièces d’identité détenues par 44 d’entre eux. Quatorze familles y figurent, dont les neuf signataires de l’appel. Or très peu de temps après, le consul s’adresse cette fois au curé dans la paroisse duquel est édifié le camp, remet entre ses mains le sort des tsiganes, et lui confie qu’il ne sait que faire d’eux. « Ces romanichels n’ayant jamais voulu être rapatriés en Belgique. » Se peut-il qu’ils aient ainsi changé d’avis ou les difficultés administratives s’avèrent-elles insurmontables ? Nous l’ignorons mais un élément neuf intervenant au début de l’année suivante pourrait fournir une explication. Début 1943 en effet, sous condition d’avoir trouvé employeur et logement et sur avis favorable des autorités, l’autorisation de s’établir librement au-dehors peut être accordée. Le lieu de résidence doit être obligatoirement situé à plus de 20 km du camp. Or, il nous l’a été confirmé par les rescapés, certaines familles disposent de sommes importantes et la location ne pose pour eux aucun problème. Des viticulteurs de la région leur offrent du travail. Une série de
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