L'Homme au masque de fer
ville.
Castel-Rajac les laissa partir. Après quoi, il remonta dans sa chambre.
Son fils d’adoption dormait d’un sommeil à la fois paisible et profond.
Alors, il boucla son ceinturon, enfonça son feutre sur sa tête, se drapa dans son manteau, et, d’un pas rapide, gagna le château de Pau.
Devant la grille, une ombre se dressa, croisa son arme devant lui.
– Qui vive ? fit une voix.
– Où est le chef de poste ?
– Qui êtes-vous ?
– Un gentilhomme qui veut être introduit immédiatement auprès de M. le capitaine des gardes de Son Éminence !
La sentinelle regarda d’un air défiant cet inconnu, puis devant l’insistance de Castel-Rajac qui s’écriait déjà qu’il allait entrer de gré ou de force, elle alla chercher l’officier de service.
Celui-ci comprit qu’il avait affaire à un gentilhomme. À la demande du Gascon, il s’inclina avec politesse, mais répondit que Son Éminence était partie pour Bordeaux depuis une demi-heure, et que le capitaine de ses gardes, M. le baron de Savières, l’accompagnait.
– Tiens ! philosopha Castel-Rajac, en souriant dans sa moustache, il s’en est fallu de peu que je me retrouve nez à nez avec ce sympathique capitaine…
Il laissa échapper un sonore juron gascon et gronda :
– Pourvu que je n’arrive pas trop tard !
– Que se passe-t-il donc ? interrogeait l’officier, déjà inquiet.
– Je viens de découvrir un complot qui a pour but d’assassiner le cardinal au cours de son retour à Paris !
L’officier eut un haut-le-corps.
– Est-ce possible !
– J’en suis sûr ! Aussi, il n’y a pas une minute à perdre ! Donnez-moi un cheval, un très bon cheval, et je réponds de tout !
Comme son interlocuteur le regardait avec une certaine méfiance, se demandant quel crédit il devait accorder à cet inconnu qui voulait réquisitionner un cheval appartenant au service de Son Éminence, Gaëtan s’exclama :
– Je suis le chevalier de Castel-Rajac, et tout le monde, dans le pays, vous affirmera que je dis toujours la vérité !
– Ça, c’est vrai ! dit un soldat en s’avançant.
– Tiens, c’est toi… Crève-Paillasse ! lançait le chevalier en reconnaissant un jeune paysan originaire de la localité pyrénéenne où il s’était retiré.
– Oui, monsieur le chevalier ! répondait le soldat. Il y a justement à l’écurie un pur-sang qui ne demande qu’à galoper un train d’enfer !
– Eh bien ! amène-le-moi vite ! commandait déjà l’amant de la duchesse de Chevreuse.
Mais l’officier de service intervenait à nouveau.
– Minute ! Il me faut d’autres garanties !
Castel-Rajac fronça les sourcils.
– Prenez garde, monsieur l’officier, s’écria-t-il. Vous assumez là une lourde responsabilité ! Chaque minute que vous me faites perdre risque de coûter la vie à Son Éminence ! Et s’il arrive malheur au cardinal de Richelieu, je ne manquerai point de dire très haut que c’est par votre faute !
Ce dernier argument dissipa les scrupules du militaire.
– Va chercher le cheval ! lança-t-il à Crève-Paillasse qui partit aussitôt.
Moins de cinq minutes après, Gaëtan sautait en selle et partait au triple galop sur la route de Bordeaux.
Crève-Paillasse avait dit vrai. Sa monture, une bête admirable, avait véritablement des ailes.
Castel-Rajac galopa environ pendant deux lieues à francs étriers. Puis, à un détour du chemin, il aperçut des lueurs de torches, en même temps que son ouïe, très fine, percevait un cliquetis d’armes, révélateur d’un proche combat.
– Sangdiou ! grommela-t-il. Est-ce que j’arriverais trop tard, déjà ?
En quelques bonds de sa monture, il arriva sur le théâtre de la lutte. Et il aperçut, entourant le carrosse du cardinal, une bande d’hommes masqués qui ferraillait contre les gardes de Son Éminence.
Il était hors de doute que l’escorte allait succomber sous le nombre, et qu’aussi valeureux que soit l’appui que le Gascon était décidé à leur donner, les conspirateurs ne pouvaient manquer d’avoir le dessus.
Mais Castel-Rajac, une fois de plus, allait leur prouver que l’esprit d’un Gascon est capable de triompher des pires situations.
Sautant à bas de son cheval, et profitant de ce que les combattants, acharnés dans une bataille sans merci n’avaient point remarqué sa présence, il grimpa sur un arbre, au pied duquel le carrosse était arrêté.
Il le fit si
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