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L'homme au ventre de plomb

L'homme au ventre de plomb

Titel: L'homme au ventre de plomb Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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l'épicerie...

    â€“ Je ne
saurais rien tolérer qui fût contraire à la loi
et je ne reçois d'ordres que de Sa Majesté, répliqua
Sartine. Je me suis engagé à entourer toute cette
affaire de discrétion, c'est la seule promesse que j'ai faite.
Quant à vos propos, monsieur le comte, si ce n'était la
dignité de mes fonctions et les censures royales, je vous en
demanderais raison. Le mieux que vous ayez à faire est de
rejoindre votre appartement et d'attendre que je vous appelle.
Plutôt, je viendrai moi-même vous y chercher.

    Le vieux
gentilhomme, le regard étincelant, fit volte-face. Jamais
Nicolas n'avait vu M. de Sartine aussi pâle. Des cernes
violacés étaient apparus sous ses yeux et il
tourmentait avec rage l'une des boucles de sa perruque.

    Ayant pris une
chandelle au flambeau que portait Picard, le jeune homme entra d'un
pas prudent dans la pièce, suivi de son chef. Il se
souviendrait longtemps de ses premières impressions.

    Sans rien voir
tout d'abord, il perçut le froid qui régnait dans la
chambre, puis décela une odeur d'eau saumâtre mêlée
à celle, plus irritante, de la poudre. La flamme tremblante
éclairait faiblement une pièce immense aux murs décorés
de boiseries blondes sur toute sa hauteur. En avançant, il vit
sur sa gauche une grande cheminée de marbre grenat surmontée
d'un trumeau. A droite, une alcôve tendue de damas sombre
surgit de l'ombre. Un tapis de Perse et deux fauteuils dissimulaient
à la vue ce qui semblait être un bureau disposé
dans l'angle en face de l'entrée. Çà et là
des coffres étaient recouverts d'armes. Celles-ci et le
désordre des lieux dénotaient la présence d'un
homme jeune et d'un soldat.

    S'étant
avancé jusqu'au bureau, Nicolas aperçut une forme
allongée sur le sol. Un homme gisait sur le dos, les pieds
dirigés vers la fenêtre. Sa tête paraissait
réduite comme si elle n'avait pas correspondu à la
dimension du corps. Un grand pistolet de cavalerie était tombé
à côté de lui. M. de Sartine s'approcha et eut un
mouvement de recul. Il est vrai que la vision qui s'offrait à
ses yeux avait de quoi faire sursauter les plus endurcis.

    Nicolas, qui
n'avait pas cillé quand il s'était penché sur le
corps, réalisa soudain que son chef n'avait eu que peu
d'occasions d'être en contact avec les formes affreuses de la
mort Il saisit fermement par le bras et l'obligea à s'asseoir
dans l'un des fauteuils. M. de Sartine se laissa conduire comme un
enfant et ne dit mot ; il sortit un mouchoir et s'épongea le
front et les tempes tout en faisant prendre l'air à sa
perruque, puis demeura prostré, le menton sur la poitrine.
Nicolas nota avec amusement que sa pâleur avait tourné
au verdâtre.

    Ce point marqué
sur son chef - il s'autorisait de ces petites revanches -, il reprit
son examen. Ce qui avait frappé d'horreur le lieutenant
général de police, c'était le visage du mort. La
perruque militaire avait glissé sur son front d'une manière
grotesque. Elle soulignait les yeux déjà vitreux, comme
écarquillés par la vision de la mort. Mais là où
le spectateur s'attendait à trouver une bouche ouverte,
complétant le mouvement naturel de frayeur ou de douleur, ne
subsistaient plus que joues creusées et menton remonté
vers le nez en une grimace désaccordée. Le visage avait
subi une telle déformation qu'il faisait invinciblement penser
à celui d'un vieillard ayant perdu ses dents ou à la
face convulsée de quelque monstrueuse statue. Sans qu'il soit
encore possible de se prononcer sur le phénomène, la
blessure cause de la mort n'avait pas saigné. La balle
semblait avoir frappé la base du cou à bout portant et
avait brûlé les tissus de la chemise et la mousseline de
la cravate.

    Nicolas
s'agenouilla près du corps pour regarder la plaie. Elle était
noire et l'ouverture de la peau, de la largeur de la balle,
paraissait déjà fermée par l'épiderme ;
un peu de sang coagulé était visible, mais il s'était
surtout épanché dans les chairs. Le jeune commissaire
nota ses observations dans un petit calepin. Il reprit la disposition
du corps, précisa que la victime était revêtue
d'habits civils. L'état et la crispation des deux mains
refermées sur elles-mêmes le

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