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L'homme au ventre de plomb

L'homme au ventre de plomb

Titel: L'homme au ventre de plomb Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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me fut facilité.
Peut-être a-t-elle plaidé en sa faveur. Oh ! sans doute
pas directement...

    Il ne pouvait en
dire plus. Depuis des jours, un soupçon affreux ne cessait de
le hanter. A bien y réfléchir, Nicolas s'était
interrogé sur le rôle réel de la favorite dans
toute cette affaire. Il avait été frappé de la
manière dont le garde du corps avait immédiatement
avoué son forfait. Tout s'était déroulé
comme s'il avait eu la certitude de n'être point poursuivi, et
que son crime serait tenu pour rien. Ou peut-être, ce faisant,
il pouvait nourrir l'espérance d'obtenir une grâce d'une
puissance supérieure. Il était vraisemblable que le
message dont il avait été le porteur avait touché
la favorite et une certaine forme d'indulgence avait finalement
prévalu, si l'on considérait comme un privilège
le fait d'être pendu au lieu d'être rompu.

    De quel ultime
marchandage Nicolas avait-il été l'innocent
entremetteur ? Truche de La Chaux savait sans doute qu'il ne pouvait
sauver sa vie, mais que les conditions de son exécution
demeuraient négociables. Oui, c'était un affreux
soupçon de songer, au fond de soi, que la marquise de
Pompadour avait pu ordonner de loin les apparences d'un attentat
contre le roi. Poussée par sa détestation des jésuites,
animée par sa jalousie envers les jeunes maîtresses du
roi et sincèrement inquiète des risques réels
qui pesaient sur la vie de son amant, elle avait pu tenter de faire
porter le soupçon sur la Compagnie et le parti dévot.
Oui, cela était de l'ordre du concevable. Il tenta de chasser
ces pensées redoutables et prêta attention aux propos de
M. de Noblecourt.

    â€“ Il est
vrai qu'il pouvait beaucoup dire et que la question fait parler des
plus endurcis. Voilà peut-être le secret de cet
adoucissement de peine. En tout cas, l'affaire Ruissec et cette
tentative dérisoire ne vont pas faciliter la situation des
jésuites. On les dit perdus et, même s'ils sont
innocents dans cette affaire, la calomnie va son train !

    â€“ Il y a
beaucoup d'injustice dans ce qui leur est reproché.

    â€“ Je suis
d'accord avec vous. Il y a plus de lumière chez eux que dans
tous ces jansénistes rancis qui nous entêtent depuis
quarante ans. Vous verrez, Nicolas, on les chassera. On détruira
leur œuvre d'éducation. Et nous sommes tous leurs élèves
! Finalement, on travaillera pour le roi de Prusse !

    â€“ Comment
cela ?

    â€“ Considérez
le grand aïeul de notre roi actuel. Il a révoqué
l'édit de Nantes. Qu'en est-il advenu ? Les fils les plus
brillants ou les plus utiles de la religion réformée se
sont exilés, en Prusse notamment. Vous verrez, ce sera la même
chose avec les jésuites ! Ils iront chasser sur les terres du
Nord et formeront des générations contre nous.

    â€“ Et qui les
remplacera en France ?

    â€“ Voilà
bien la question, mais je crains que ce ne soit pas celle que l'on
pose... Mais, Nicolas, vous étiez à Versailles hier,
contez-moi cela.

    â€“ M. de
Sartine m'a conduit chez Madame Adélaïde pour que je lui
remette moi-même ses bijoux retrouvés dans la caserne
des gardes du corps.

    â€“ Voilà
de la part du lieutenant général un geste qui l'honore
et qui ne me surprend pas venant de lui ! Et Madame ?

    â€“ Madame a
été fort bonne. Elle m'a invité à sa
chasse.

    â€“ Peste !
Vous voilà lancé. Reste, ajouta-t-il en riant, à
demeurer en selle !

    Nicolas
considérait la rue Montmartre qui se remplissait peu à
peu de la foule du matin. La rumeur des passants et des voitures
montait jusqu'à eux. Il songea à la multiplicité
de tous ces destins. Lui-même oublierait bientôt les
protagonistes de cette sinistre affaire, même si la pauvre
silhouette de Truche de La Chaux dans son cachot continuerait
longtemps à hanter son souvenir. Bientôt, les masques du
carnaval animeraient à nouveau la vieille capitale. D'autres
tâches l'attendaient. Il finit son chocolat. Le fond de la
tasse, comme la vie, mêlait la douceur et l'amertume.

    Sofia, juillet
1997 - février 1999
    FIN

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