L'homme lesbien : Précédé de Tombeau de Merlin ou Jean Markale, poète de la celtitude
conquêtes. Il s’agit d’une véritable cérémonie où la pudeur est respectée. Mais que se passe-t-il sous les draps ? On l’imagine aisément. Quant aux assistants, sont-ils dupes des jeux qui ont lieu, bien que discrets, en leur présence ? Que voient-ils dans ces enlacements lascifs ? Tout au plus quelques emportements saphiques, car il ne leur vient pas à l’idée que la Comtesse des Barres est un homme. Reste à savoir quelles étaient les réactions des « gamines », une fois accueillies dans le lit de la pseudo comtesse (6) . Stupeur ou complicité ?
Il semble qu’il y ait eu complicité de la part de ces jeunes filles. N’auraient-elles sinon manqué de se révolter et d’accuser la dame de tromperie ? Qui sait si elles ne s’amusaient de la supercherie qui se déroulait sous les yeux de témoins tout aussi intéressés ? Car la comtesse est d’une extrême délicatesse : elle joue son rôle d’homme lesbien avec une habileté consommée. Choisy ne s’est jamais conduit en macho. Las d’une de ses conquêtes, il ne l’abandonne pas, la marie avec un homme qu’il juge sérieux. Il raffole des comédiennes, et s’il arrive un « accident », incapable d’assumer sa paternité, marie pareillement la future mère à un homme en qui il a toute confiance. Curieux personnage en vérité…
Il dépense sans compter. Sa famille, bien que d’honnête aisance, s’inquiète. Les fantaisies vestimentaires et autres de l’abbé écornent singulièrement la fortune familiale. On finit par persuader l’abbé de renoncer à se travestir. Qu’à cela ne tienne ! Il se rend à Venise où il s’abandonne à une autre passion, le jeu. Or, s’il a beaucoup de chance et de succès auprès des jeunes filles, il en a beaucoup moins face à ses adversaires au jeu. Il se ruine en quelques semaines et doit revenir en France pour tenter de reconstituer une partie de sa fortune. Il n’est toutefois pas impécunieux, appartenant à une caste qui se partage les « bénéfices ecclésiastiques » et il n’est point nécessaire d’avoir reçu les ordres pour percevoir les revenus d’une abbaye, d’un prieuré ou d’une simple église. Choisy a le titre d’abbé, mais il n’est pas prêtre, du moins pas encore. Il vit alors de son bénéfice ecclésiastique de Saint-Seine, en Bourgogne. Cependant, grâce à son habileté et aux relations, il se tire d’affaire. En 1676, il visite Rome en faisant partie de la suite du cardinal de Bouillon. Une maladie assez sérieuse provoque alors en lui une conversion soudaine… et superficielle. Il retombe vite dans ses « errements ». En 1685, il accompagne comme coadjuteur le chevalier de Chaumont dans une mission au Siam ; c’est là qu’il est ordonné prêtre. De retour en France, il reçoit le bénéfice du prieuré de Saint-Benoît du Sault et du doyenné de la cathédrale de Bayeux. Il écrit alors beaucoup.
En 1687, il est admis à l’Académie Française (fauteuil n° 17). Il compose différents ouvrages, dont une monumentale Histoire de l’Église en onze volumes.
Que faut-il penser de cet « Abbé de Choisy habillé en femme » ? Il n’était pas homosexuel, plutôt un peu transsexuel, ne pouvant se passer de leurrer son monde, de vivre à sa guise et d’avoir une dévotion particulière pour l’univers féminin ; ce qui n’a pas empêché le bon écrivain qu’il était aussi de se réfugier, à la fin de sa vie, dans un mysticisme qui paraît sincère. C’est peut-être l’un des exemples les plus originaux de l’homme lesbien, ou si l’on préfère, de l’homme tribade.
Si l’on explorait les plus sombres corridors de l’Histoire, on découvrirait à coup sûr bien des personnages comparables. Encore faut-il se méfier des apparences trompeuses et des confusions inévitables en pareils cas… où littéralement l’habit ne fait pas le moine.
Ainsi en est-il du célèbre chevalier Charles d’Éon Beaumont, né à Tonnerre en 1728 d’une honorable famille de juristes et qui mourut en 1810 au terme d’une vie mouvementée et ambiguë. C’est pour cela qu’il a laissé son nom à une forme de « perversion » – ou plus exactement de comportement – baptisée l’ éonisme , à savoir le travestissement d’un homme en femme. Mais le chevalier d’Éon était-il vraiment un « homme lesbien » ? Une étude sérieuse du sujet permet d’affirmer qu’il n’en était
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