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L'homme lesbien : Précédé de Tombeau de Merlin ou Jean Markale, poète de la celtitude

Titel: L'homme lesbien : Précédé de Tombeau de Merlin ou Jean Markale, poète de la celtitude Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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des multiples vicissitudes qu’il rencontre, son aventure débouche sur un indéniable triomphe. Wagner s’est emparé du héros décrit au XIII e  siècle par Wolfram von Eschenbach. Ce n’est pas sans raison, car il a trouvé dans ce personnage une illustration assez surprenante de l’évolution de sa propre vie. On a souvent répété que Parsifal , qui est sa dernière œuvre, est une exaltation de la chasteté, tout simplement parce que le compositeur, parvenu à un certain âge, était devenu impuissant et qu’il voulait justifier son état en faisant de la chasteté une vertu essentielle. Il ne semble pas que ce lieu commun soit exact   : les choses sont beaucoup plus complexes, surtout si l’on se réfère à la notion d’homme lesbien.
    Le personnage de Parsifal est donc emprunté au récit de Wolfram von Eschenbach. Mais ce récit allemand est une adaptation, même parfois une traduction de Perceval, ou le Conte du Graal , du poète français du XII e  siècle Chrétien de Troyes, lequel a puisé son sujet dans une tradition celtique dont il nous reste une version en langue galloise, Peredur , laquelle représente l’état primitif et populaire de la légende (7) .
     
    Comme ses modèles antérieurs, le Parsifal de Wagner entame ses aventures dans les dispositions d’un authentique macho. C’est le résultat de son éducation, car il suit à la lettre les conseils de sagesse donnés par sa mère. En fait, c’est un naïf. Il n’a pas encore atteint sa maturité, et les femmes ne sont guère pour lui que de « beaux petits animaux » que l’on prend et rejette au gré des circonstances avec la plus parfaite goujaterie.
    Or, la révélation qu’il reçoit presque par hasard va modifier totalement le caractère du héros. Wolfram von Eschenbach, Chrétien de Troyes, ainsi que l’auteur anonyme gallois, reprennent une image poétique souvent utilisée dans les épopées irlandaises et mettent en lumière l’importance de l’extase dans la métamorphose intérieure de l’individu. Le héros est amoureux d’une femme dont il est séparé momentanément. En fait, il ne pense guère à elle, toujours prêt à jurer à n’importe quelle femme rencontrée au fil de ses pérégrinations qu’il l’aimera plus que toutes les autres – attitude classique du macho qui méprise les femmes et ne les fréquente que pour satisfaire des pulsions sexuelles primaires. Or, le destin en décide autrement. Un jour que la neige est tombée en abondance, Parsifal voit un corbeau en train de boire le sang d’une oie qui a été tuée par un rapace. Le héros tombe en extase devant ce spectacle insolite   : la neige évoque les joues de la femme qu’il prétend aimer, le sang lui en rappelle les lèvres, et la noirceur du plumage du corbeau se confond avec la sombre chevelure de cette femme en réalité plus fantasmatique que réelle.
    L’extase se prolonge comme si rien d’autre, ni personne, n’existait plus sur la terre. Le héros est parvenu en dehors du temps et de l’espace. C’est là qu’on peut le considérer comme un homme lesbien, en adoration perpétuelle de la Femme, celle qui représente la divinité des origines. Certes il s’agit d’amour humain, avec ce que cela comporte de sexualité   ; c’est néanmoins déjà un amour mystique, un sentiment qui va bien au-delà de l’incarnation et qui apparente l’extase amoureuse aux extases de saints, tel Dominique devant l’apparition de la Vierge Marie. Cette attitude, infiniment respectable, n’est plus du domaine religieux   : elle relève d’une autre dimension, celle de la spiritualité.
    C’est alors que Wagner opère la mutation. De l’extase profane d’abord vécue par son héros – c’est-à-dire par lui-même – il s’envole vers d’autres sphères, ce qui donne le magnifique « Enchantement du Vendredi saint » qui constitue l’un des chefs-d’œuvre du compositeur. À partir de là, Parsifal ne sera plus le même et il évitera les pièges tendus par le magicien noir Klingsor, notamment les sortilèges d’un jardin féerique où s’ébattent d’étranges et dangereuses filles-fleurs. Mais qui va l’aider dans cette sorte de résurrection   ? Ce n’est pas Condwiramur, la femme qu’il prétend aimer – et qui sera la mère de Lohengrin –, c’est l’ancienne complice de Klingsor, la sorcière Kundry. Devenue la messagère du Graal, elle va le conduire jusqu’au saint royaume.
    Parsifal et

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