L'homme lesbien : Précédé de Tombeau de Merlin ou Jean Markale, poète de la celtitude
Kundry forment alors un couple parfait qui n’a pas de relations sexuelles mais qui est uni par le sens de la mission à accomplir : restaurer le royaume du Graal dans sa plénitude. Parsifal, ayant abandonné son attitude machiste, est devenu l’homme lesbien idéal.
On peut considérer que Wagner l’a voulu ainsi parce qu’il s’est projeté tout entier dans le personnage. L’homme lesbien, c’est Richard Wagner lui-même dans sa relation avec Cosima. Bien sûr, nous ne savons rien des rapports intimes qui s’étaient établis entre eux, mais on peut déduire des multiples épisodes de Parsifal que leur relation avait évolué dans le sens du mysticisme, vers ce qu’on appelle plus ou moins justement l’amour platonique.
Comment, à ce propos, ne pas évoquer l’histoire d’Héloïse et d’Abélard ? Certes, la chasteté d’Abélard n’est pas volontaire, mais les deux amants finissent non seulement par l’accepter, mais par la considérer comme l’élément essentiel qui nourrit leur passion, celle-ci n’étant d’ailleurs pas dénuée d’une trouble sensualité. Le théologien chrétien, follement amoureux de sa jeune élève, ne serait-il pas comparable à ces prêtres de la déesse-mère antique, notamment ceux qu’on appelait les galles , qui s’émasculaient volontairement pour mieux adorer la femme divine dans une étreinte sans fin ? Car l’amour de l’homme lesbien pour la femme désirée et choisie est capable d’aller jusqu’aux extrêmes limites.
Jean-Jacques Rousseau ne s’y est pas trompé lorsqu’il écrivait La Nouvelle Héloïse . Le héros de son roman, Saint-Preux, c’est évidemment lui-même. Il est amoureux de Sophie d’Houdetot. C’est un amour qui ne peut se réaliser autrement que par l’exaltation du désir. Sophie d’Houdetot est et restera inaccessible.
Cet amour exclusif pour une femme remarquable par sa beauté, son intelligence et son raffinement, n’empêche nullement Jean-Jacques Rousseau de partager le lit de la modeste servante d’auberge Thérèse Levasseur. C’est comme si le « citoyen de Genève » faisait l’amour par procuration, tels certains adeptes du tantrisme qui, ne voulant pas polluer – posséder – la femme aimée, s’unissent devant elle avec une prostituée.
On retrouve le même cas de figure chez Baudelaire, passionnément amoureux de la superbe mais inaccessible madame Sabatier, et qui se satisfait des étreintes charnelles de sa maîtresse Jeanne Duval.
L’habit ne fait pas le moine, et l’homme lesbien ne peut être défini ni par son aspect, ni par sa tenue vestimentaire. Wagner portait des robes. L’abbé de Choisy s’habillait en femme. Cela ne suffirait pas à les ranger dans la catégorie des hommes lesbiens.
Autre exemple. Parmi les travestis que j’ai fréquentés, j’ai connu un couple d’un certain âge qui me semblait très uni. Il s’agissait de deux hommes qui, habillés en femmes, avec une certaine élégance, vivaient ensemble et donnaient des spectacles musicaux. Intrigué, je leur ai demandé s’ils étaient homosexuels. Ils ont vigoureusement protesté et prétendu que lorsqu’ils faisaient l’amour, ils se comportaient comme deux femmes, c’est-à-dire deux lesbiennes. Au fond, ils constituaient un véritable couple d’hommes lesbiens.
J’ai connu un autre travesti, homme solitaire, âgé d’une trentaine d’années, et d’une beauté resplendissante. Sans doute passait-il des heures à se maquiller et à veiller sur sa tenue impeccable et d’un goût très sûr. Il vivait avec une femme, mais n’avait jamais pu avoir de rapports sexuels complets avec elle. Il était pianiste et dans son art manifestait un grand raffinement. Je l’ai revu plusieurs années après, toujours d’une beauté fascinante, mais différent ! Nous avons bavardé longuement et il m’a avoué qu’il revenait des Philippines où il avait subi ce que, dans ce milieu, on appelle la « grande opération ». Autrement dit, ce n’était plus un homme : il était devenu une femme, avec un faux vagin, un curieux clitoris doué de sensibilité, et des hanches, des seins qui se développaient à l’aide d’hormones femelles. Je retiendrai toujours la réflexion qu’il m’a faite alors : « Tu sais, je ne suis pas homosexuel (le) ». C’était pure vérité, puisque, par sa nature profonde et ensuite du fait de cette intervention chirurgicale, elle était une femme
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