L'homme lesbien : Précédé de Tombeau de Merlin ou Jean Markale, poète de la celtitude
rien.
Il ne s’agit pas de nier la tendance qu’avait le chevalier d’Éon de se métamorphoser en femme, les témoignages sont là. Mais dans quel but se travestissait-il ? La réponse est simple : le chevalier d’Éon n’était ni plus ni moins qu’un espion – ou si l’on préfère, une espionne – au service du roi Louis XV. Ce pour quoi on le retrouve en 1755 à la cour de Russie, où personne n’aurait eu l’idée de mettre en doute sa féminité. Quant à sa véritable identité sexuelle, elle n’a jamais été définie. Était-il homosexuel, bisexuel, ou seulement un mystificateur se plaisant à duper les grands personnages fréquentés lorsqu’il accomplissait les diverses missions dont il était officieusement chargé ?
Sur des comportements aussi intimes et dissimulés sous le sceau du secret, il est difficile de se faire une opinion.
Un exemple des plus frappant, et aussi des plus surprenant, est celui de Richard Wagner. On imagine l’auteur de la Tétralogie comme étant un macho de type classique. Il n’en fut rien. Certes, et bien qu’il ait été souvent sollicité par le roi Louis II de Bavière, qui en était amoureux et qui, malgré tout, fut un ami sincère et un bienfaiteur exceptionnel, il n’était pas homosexuel. Mais l’identité sexuelle du compositeur n’est pas nette et oblige à poser certaines questions, tant à cause de son œuvre que de sa vie.
En effet, nous savons par des preuves irréfutables (en particulier par des lettres de protestation qu’il adressait à sa couturière) que Wagner portait des robes de femme et les faisait confectionner sur mesure. Était-il travesti ? Pas vraiment.
Ce qui caractérise Wagner, c’est la vénération, pour ne pas dire l’adoration, qu’il éprouve envers la Femme. Et pas n’importe quelle femme. Dans le Vaisseau fantôme , c’est la femme salvatrice. Dans Tannhauser , c’est la grande déesse qui règne sur le « Venusberg ». Dans Lohengrin , c’est la femme à qui l’amant, véritable prêtre venu d’ailleurs (plus précisément du royaume du Graal), ne doit jamais révéler son nom et ses origines. Dans Tristan , c’est la femme inaccessible.
Mais c’est surtout dans la Tétralogie et dans Parsifal que se manifeste la Femme que Wagner a adorée toute sa vie, en l’occurrence la valkyrie Brünhilde et la sorcière Kundry, deux visages dans lesquels on peut facilement reconnaître celui de sa seconde épouse Cosima, la fille de Liszt.
Personnage hors du commun, la fille de Marie d’Agout et de Franz Liszt a de qui tenir. C’est loin d’être un tendron, elle l’a prouvé bien des fois, aussi bien auprès de son premier mari, le chef d’orchestre Hans von Bülow, qu’à la fin de sa vie, dans les débuts du nazisme, quand elle pactisait avec Hitler pour faire de Bayreuth le grand sanctuaire musical du III e Reich. « Sanctuaire » est bien le mot qui convient à propos de Richard Wagner et de ses drames lyriques qui sont des cérémonies religieuses davantage que de simples opéras. À quelle religion ces cérémonies appartiennent-elles ? On y trouve un peu de toutes. La base est le luthéranisme (le prélude de Parsifal est construit sur un choral de Luther), mais Wagner y a mêlé des éléments d’origine orientale empruntés au poète médiéval allemand Wolfram von Eschenbach ainsi qu’aux spéculations philosophiques de Schopenhauer ; empruntés, bien sûr aussi, aux traditions germano-scandinaves, elles-mêmes influencées par la mythologie celtique la plus ancienne. C’est au milieu de ce tourbillon effréné d’inspirations qu’émerge le personnage de Cosima, multiple, et objet d’une vénération quasi religieuse de la part du compositeur.
On peut de la sorte considérer Richard Wagner comme appartenant à une certaine catégorie d’hommes lesbiens, surtout si on analyse en profondeur le comportement de ses deux héros favoris, projection symbolique de sa personne : Siegfried et Parsifal.
Siegfried libère la valkyrie du châtiment que lui a infligé son père Wotan et devient son chevalier servant, son prêtre en quelque sorte. Il s’engage à l’aimer avec toute la passion dont il est capable. Or, les tortueuses machinations de Hagen conduisent Siegfried à l’échec. L’histoire s’achève sur le bûcher funéraire de Siegfried où se jette Brünehilde.
Le cas de Parsifal semble n’avoir rien de commun avec celui de Siegfried. En dépit
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