L'homme lesbien : Précédé de Tombeau de Merlin ou Jean Markale, poète de la celtitude
ces couleurs honteuses et furtives de l’amour chez les civilisés. »
N’est-ce pas là une des meilleures définitions de ce que recherche l’homme lesbien, à savoir la suppression de l’inégalité dans la différence ? Et n’est-ce pas là une qualité qu’est amené à développer l’homme dans une société où hommes et femmes se partagent les moindres instants et assument de manière interchangeable les activités de l’existence quotidienne ?
Il faut encore insister. Si l’on considère nombre de tentatives de définition de l’homme lesbien, on a tendance à imaginer que celui-ci est un pur esprit à l’image, citée plus haut, de saint Dominique en extase devant la Vierge Marie. Il n’en est rien. La sexualité joue un rôle, essentiel, dans le comportement et les pratiques de l’homme lesbien, d’une façon proche de celle observée dans le cadre de l’Amour courtois.
En dehors de quelques cas particuliers, comme ceux d’Abélard et de Lord Chatterley, l’homme lesbien est un être normalement constitué. Il n’est ni impuissant, ni stérile, comme en témoignent les exemples de l’abbé de Choisy et d’autres qui ont réellement pénétré des femmes et les ont rendues enceintes, sans vouloir pour autant les posséder.
Cette attitude de l’homme lesbien, intact dans sa virilité, mais ne la mettant en pratique que dans certaines circonstances choisies en complet accord avec sa partenaire, l’amène à construire une sexualité hors du commun. Ce n’est plus seulement : « Ouvre tes jambes, que je te baise », c’est la recherche passionnée d’un plaisir partagé et fondé sur des innovations.
Ce sont les hommes lesbiens – et leurs partenaires – qui ont créé les raffinements érotiques les plus subtils, notamment ceux codifiés par le tantrisme extrême-oriental et plus ou moins vulgarisés en Occident où ils ont perdu l’aspect sacré qui était le leur auparavant. Cette perte du sacré est due en grande partie à leur diabolisation de la part du judéo-christianisme, lequel ne veut voir dans l’acte sexuel qu’un simple phénomène indispensable à la reproduction de l’espèce. Dans la religion chrétienne, seule compte la reproduction de l’espèce (11) et tout le reste est pé ché , ce fameux péché de la chair qui a empoisonné tant de générations, même si sont admises dans certains cas ce qu’on appelle pudiquement les « bagatelles de la porte », autrement dit, des petites fantaisies favorisant l’accomplissement de l’acte nécessaire, à savoir l’éjaculation du mâle dans le vas naturale de la femelle.
L’homme lesbien ignore ces interdits, ces « péchés ». Il aime, un point c’est tout.
Il est une certitude : on ne naît pas homme lesbien, on le devient.
C’est là où réside le mystère de ce comportement sexuel et affectif. Quand on observe les péripéties de l’Histoire et l’attitude de nos contemporains, on est amené à s’interroger. Personne n’a évoqué de prédétermination psychologique. Pourquoi devient-on un homme lesbien ? Comment ? À la suite de réflexions individuelles et d’expériences diverses, bien sûr. C’est-à-dire : au contact des femmes, en acceptant de s’instruire auprès d’elles des choses souterraines de la vie, en s’ouvrant à leur vision du monde. L’homme n’en peut plus d’épouser la brutalité du monde. La femme se présente pour l’homme lesbien, plus que comme un refuge, comme le lieu d’un rééquilibrage de ses virtualités, donc d’une renaissance. Plus sensible à la réceptivité mentale que physique, il voit en elle une nécessaire médiatrice.
Il y va d’une conversion. D’une conversion liée à la maturité.
Il n’est plus à démontrer qu’il y a nécessairement, et de façon innée, une partie féminine dans tout homme et une partie masculine dans toute femme. Cela dépasse l’histoire symbolique de la Genèse. Peut-être est-ce la rémanence d’un état antérieur, quand l’être primitif était androgyne ?
Mais l’androgyne renvoie aux origines, l’homme lesbien peut inaugurer de l’avenir ; et l’androgyne est nécessairement vierge, l’homme lesbien a une libido.
Quoi qu’il en soit, cette partie féminine dans l’homme est la plupart du temps niée et même culpabilisée, ce qui a pour conséquence d’empêcher son émergence. Mais une fois libérés de ces inhibitions provoquées
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