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L'honneur de Sartine

L'honneur de Sartine

Titel: L'honneur de Sartine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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ne pouvez espérer aucun secours. Vous serez mort au monde, mais point à la justice du roi ! Interrogé avec les raffinements d’une question bien conditionnée auxquels je doute que vous résistiez. Songez à votre nom, à votre famille…
    – Si vous consentez à nous aider, vos peines, inévitables, pourront être adoucies et votre conscience apaisée.
    Un long soupir s’exhala de la poitrine du notaire. Son attitude augurait bien ce qui allait suivre. Nicolas, qui n’appréciait guère ces nécessaires manigances, soupira : c’était toujours ainsi avec les coupables de peu de caractère. Il suffisait d’agiter un peu fortement la rigueur des châtiments auxquels ils étaient promis pour qu’ils se laissent soudain aller et déballent leurs sales secrets. Il songea qu’il y avait quelque ironie que ce soit lui, qui jamais n’avait eu recours à la question, qui vînt à l’évoquer
au moment où elle était en passe d’être retirée de l’arsenal de la justice.
    Il observa le notaire affaissé sur son siège. Tout ce qui naguère ornait cette figure des mille reflets de la fatuité avait disparu. Dégoulinants, les fards ne masquaient plus l’âge réel de l’ancien beau. Sa tenue délabrée, le cheveu défrisé laissant apparaître des plages de calvitie, la cravate de dentelle sale et tourneboulée, l’habit chiffonné et boutonné à la diable, tout offrait les signes d’une angoisse et d’un énervement que des heures sinon des jours d’attente fiévreuse avaient exacerbés.
    Gondrillard passait sa langue sur des lèvres desséchées. Nicolas saisit une carafe et versa de l’eau dans un gobelet qu’il lui tendit. L’homme s’en empara après que Bourdeau lui eut délié les poings et l’avala si vite qu’il en renversa la moitié sur son habit.
    – Alors, monsieur, nous vous écoutons.
    – Monsieur le commissaire, je suis un honnête homme…
    – Voyez le bel apôtre ! dit Bourdeau. Honnête homme nonobstant un certain nombre de crimes !
    – Je suis, je vous l’affirme, plus victime que coupable et aucun crime ne peut m’être imputé. Et je suis effaré, monsieur le commissaire, qu’on me traite comme un criminel d’État.
    – Tout concourt, monsieur, à vous considérer comme tel.
    – Si j’ai usé de dissimulation malgré un caractère qui est tout à l’opposé, c’est le fait de mon inexpérience dans des matières que je connaissais mal. Je pense que vous devez arrêter votre jugement sur moi en tenant compte de toute la délicatesse de mon cœur.
    – Délicatesse du plomb et de l’acier de vos affidés !
    – On fait fausse route de m’imaginer capable d’une bassesse de mon plein gré.
    – Soit, monsieur ! Alors nous vous serions reconnaissants d’aller au fait sans barguigner et de nous dire qui vous contraint, de mauvais gré.
    – Messieurs, peu avant la mort de mon père, j’ai reçu de sa bouche de graves confidences concernant un traité secret auquel il était partie. Cet accord intéressait les intérêts du royaume en ce qu’il autorisait des demandes susceptibles d’accroître les ressources de l’État. Mon père ayant vécu très vieux et n’ayant jamais souhaité dételer, il m’avait toujours écarté des affaires de son office. Lui disparu, je me suis trouvé dans l’obligation de faire face aux obligations nouvelles de ma charge. J’ai dès l’abord, je dois l’avouer, commis nombre de maladresses qui, peu à peu, ont creusé un déficit dans mes affaires tel que jamais je n’aurais pu le surmonter si…
    – Si ?
    – Si des appuis généreux n’étaient intervenus sans que je puisse apprendre d’où provenait cette aide mystérieuse.
    – Généreux ! Vous usez du mot juste. Et cette manne tombée du ciel, vous l’avez acceptée sans broncher ?
    – Que vouliez-vous que je fasse ? Mes maladresses n’avaient pas cessé pour autant. C’était une course incessante entre mon crédit et mon déficit.
    – Un petit royaume à vous tout seul ! ricana Bourdeau que le propos du notaire paraissait excéder.
    – Je souhaiterais comprendre, ajouta Nicolas. Au cours de ces années durant lesquelles ces sub
sides affluèrent, rien ne vous fut demandé en échange ?
    – Monsieur, pour qui me prenez-vous ?
    – N’inversez pas les rôles, je vous en prie. Je vous prends pour ce que vous êtes, hélas ! Alors, rien en échange ?
    – Rien de plus que ce qui est d’usage dans ces sortes de tractations.

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