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L'honneur de Sartine

L'honneur de Sartine

Titel: L'honneur de Sartine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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à c’qui paraît, des amis du Jean et bien aimables de surcroît, j’vous conseille la matelote de cervelle de bœuf et une flopée de mauviettes à la broche avec une salade de pissenlits. Y a point de risques avec cette mangeaille-là !
    – Détaille-nous un peu la chose, on aime le déconfit des plats, demanda Bourdeau, l’œil émerillonné de convoitise.
    – Bon, v’là aut’chose ! Dieu merci, sont pas tous comme vous. La cervelle bien dégorgée et désaignée et un peu marinée dans l’vin blanc. Une fois blanchie dans l’eau bouillante, tu la langes comme un poupon de bardes de lard avec sel, poivre, persil, ciboules, tranches de citron, thym, laurier, basilic et gousses d’ail. Tu fais dorer à la braise blanche. Pour la sauce, reste à faire cuire de petits oignons grelots dans du vin blanc et du coulis, à réduction. La cervelle toute grésillante s’ra coupée en tranches et arrosée.
    – Les matelotes de Ramponeau tiennent leurs promesses ! Et les mauviettes ?
    – Oh ! Il attige, çui-là ! J’te dirais une belle nichée d’oisillons, eux aussi bardés, à la broche. La sauce, combinée de leur dégout 12 et du verjus à la bigarade, mouille des rôties. Et la salade d’pissenlits à l’ail pour vous rafraîchir la dalle . Plus de questions, car
j’n’y répondrions point. J’entends le vieux qui me quérit.
    Le vin était frais, clair et léger ; l’hôte ne les avait pas trompés.
    – M. de Gévigland est bien aimable, remarqua Bourdeau.
    – Et sans lui, ce crime risquait fort de passer inaperçu. Comment envisager la suite ?
    – M’est avis que cette famille dissimule bien des choses. Les haines et les trames s’y entrecroisent.
    – De fait ils sont tous suspects, car ils ont tous sans exception intérêt à la mort de M. de Chamberlin. La nièce hérite de sa fortune, le mari mettra ascendant à tout, le fils aîné verra sans doute ses dettes éteintes, et la belle-mère de Mme de Ravillois détestait le vieil homme.
    – Tu oublies Tiburce, le valet.
    Nicolas eut un triste sourire.
    – J’ai du mal à l’imaginer en assassin ; il ressemble trop au chanoine Le Floch.
    – Foin du sentiment ! Il bénéficie largement du testament. Et tu omets l’exécuteur testamentaire ; son profit n’est point négligeable.
    Un vielleux entama une allègre ritournelle. Un groupe de jeunes gens se mit à danser en mesure, puis l’homme passa dans les rangées de tables tendant son chapeau où les liards 13 tombaient peu à peu. Nicolas avait souvent croisé cette figure parisienne qui arpentait les quartiers sans relâche.
    – Je ne l’oublie pas. Mais si je reprends point par point ce que nous avons relevé jusqu’à présent, une impression d’inachevé me submerge.
    – Mon maître disait…
    – Ton maître ? Tu as un maître ? Toi !
    – Jean-Jacques 14 . Il prétendait que l’art d’interroger n’est pas si facile qu’on pense. Il faut avoir déjà beaucoup appris pour savoir demander ce qu’on ne sait pas.
    – Il m’ôte les mots de la bouche. Rabouine doit être envoyé rue des Mathurins. Qu’il consulte le voisinage et fasse parler les domestiques. Il faut découvrir les dessous cachés et ce qu’on s’évertue à nous celer. Nous verrons l’exécuteur testamentaire et les invités…
    – Le marquis de Ranreuil les connaît-il ?
    – Le comte de Besenval, je l’ai croisé plusieurs fois chez la reine. Il fait partie de la petite bande de Trianon. Proche de Choiseul, il fut naguère inspecteur général des Suisses et des Grisons. Fort riche au demeurant. Quant à Sainte-James, il est célèbre par la folie fastueuse qu’il édifie au bois de Boulogne.
    – Cela me revient : n’est-ce pas lui qui a fait venir de Fontainebleau des pierres titanesques par des charrois de quarante chevaux ?
    – Si fait. Le roi, quand on l’évoque devant lui, l’appelle l’homme au rocher .
    La servante déposa sur le guéridon le plat de matelote tout fumant. Ils s’empressèrent d’y faire honneur et pour un temps le silence prévalut.
    – J’adore les bardes de lard grillé qui croustillent et préparent au moelleux des abats.
    – Et ces épices et cet arrière-goût de marinade qui relèvent ce que le plat pourrait avoir de fade.
    Ramponeau surgit, l’air inquiet.
    – Alors, cette matelote ? Elle convient à messeigneurs ?
    – C’est d’anthologie, laissa échapper Nicolas non sans

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