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L'honneur de Sartine

L'honneur de Sartine

Titel: L'honneur de Sartine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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et aussitôt il renaissait plus ardent. Il croyait qu’une fois ce lien rompu, la paix en lui reviendrait. Le visage d’Antoinette apparaissait alors nimbé de douceur et de la nostalgie d’un temps plus insouciant.

    Au Grand Châtelet un message les attendait. Nicolas devait se présenter au plus vite à M. Necker, en charge du trésor public. Aucun autre éclaircissement n’accompagnait cette convocation de la main même de M. Le Noir. Le commissaire n’avait approché que de loin le banquier suisse. Il abandonna donc Bourdeau sous le porche de la vieille prison et ordonna au cocher de le conduire rue Neuve-des-Petits-Champs à l’hôtel de Lionne-Pontchartrain.
    Son entrée dans l’antichambre du ministre ne passa pas inaperçue de la foule des solliciteurs qui, placets à la main, espéraient une audience. Son nom chuchoté à l’huissier poussa le scandale à son comble. Il fut aussitôt dirigé vers une seconde salle déserte où il ne demeura qu’un instant, l’homme étant revenu à la suite le chercher.
    M. Necker, debout derrière son bureau, l’accueillit avec une expression plus bonasse que bienveillante. Il parut à Nicolas grand et lourd avec un visage à la physionomie singulière qu’accentuait sa coiffure composée d’un toupet fort relevé et de deux grosses
boucles dressées vers le haut. Il semblait qu’une gravité concentrée cherchât à en imposer, impression que redoublait un port de tête peu naturel qui se haussait comme pour prendre de la hauteur et dominer. Tout cela ne tenait pas de l’insolence polie d’un ministre homme de cour, mais plutôt d’une certaine morgue ministérielle. Il invita le visiteur à s’asseoir et le contempla un moment avec un sourire satisfait qui faisait ressortir la dissymétrie d’une bouche comme creusée sur le côté gauche sur de mauvaises dents.
    – Monsieur, il me plaît de constater que vous avez répondu avec tant de célérité à la demande que le lieutenant général de police a dû vous transmettre.
    – Je m’en serais voulu, monsieur le directeur, de vous faire attendre et, prévenu, je suis accouru sans désemparer.
    – Il me faut vous préciser que ce n’est pas moi qui ai eu l’idée de cette rencontre, mais M. de Maurepas. Nous conférions avec Sa Majesté…
    La tête se dressa, retendant les plis du cou.
    – … quand votre nom a surgi… Bref, je dois à la vérité de dire à votre honneur que le roi a approuvé au bond le recours qu’on suggérait.
    – Le recours, monsieur ?
    – Depuis quand servez-vous aux enquêtes extraordinaires ?
    – Depuis 1760, et sous trois lieutenants généraux.
    – Longue expérience que la vôtre ! Cela justifie la confiance de M. de Maurepas. Et de surcroît, j’ai cru comprendre que vous aviez conquis l’approbation de son épouse ?
    Le ton était amer, à la limite de l’aigreur.
    – … Ce qui, vous en conviendrez, n’est pas des plus aisé !
    – Un coup de fusil royal y a aidé naguère.
    – Vraiment ?
    Il épousseta l’une de ses manches.
    – Oui. Petite négociation après que le chat préféré de Mme de Maurepas eut été, par mégarde, escopetté .
    – Ah, ça ! Escopetté ! Je vois. Revenons à mon souci. De la police, de la justice et des prisons, rien ne vous est étranger ?
    – Je possède en effet l’expérience de toutes ces années sur les mondes que vous avez cités.
    – Fort bien ! Vous êtes notre homme. Sa Majesté s’intéresse à la justice qu’on rend en son nom. Cela fait honneur à son humanité. En particulier il s’inquiète que des hommes, soupçonnés à tort et reconnus ensuite innocents, puissent subir d’avance des punitions rigoureuses dans les lieux malsains que vous connaissez. Il souhaite aussi que l’État prenne à sa charge le logement, la nourriture et l’habillement des prisonniers sans recours. Il entend, enfin, que soit améliorée la situation des prisons, en procurant à ceux qui y sont enfermés la propreté et l’air nécessaire à leur existence.
    – Il y a là beaucoup à faire et du plus méritoire. Mais cela prendra du temps. Pour ne pas citer le Châtelet, que je connais bien et sur lequel il y aurait beaucoup à dire, j’ai naguère approché Bicêtre. C’est, monsieur, sachez-le, un monde horrible. Prenez le pain par exemple, un médecin de mes amis y a constaté qu’il était noir et grossier comme de l’argile. Et l’écuelle de bouillon servie aux prisonniers ?

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