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L'honneur de Sartine

L'honneur de Sartine

Titel: L'honneur de Sartine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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l’État. Ceux de M. de Chamberlin ne devaient pas faillir à la règle et ont été remis à M. Le Noir, lieutenant général de police.
    Necker plissa son visage en une grimace dépitée.
    – Je vous remercie de me rappeler le règlement, mais je ne doute pas, monsieur, que vous avez pris le temps de prendre connaissance de ces documents, avant que de les remettre à Le Noir ?
    Nicolas soupira en écartant les mains comme pour dessiner le volume d’une masse considérable.
    – Leur importance est telle et ma connaissance des matières traitées se réduisant à rien, mon regard sur eux fut superficiel et mon ignorance me conduisit à renoncer à pousser plus avant mon examen.
    – Quelle modestie ! Ainsi vous prétendez ignorer ce qu’ils contiennent en substance ?
    – Je ne le prétends pas, j’ai l’honneur de vous le confirmer. Et d’ailleurs, que devraient-ils contenir ?
    – Monsieur, il ne me revient pas de vous le révéler.
    – Dans ces conditions, je vous suis de peu d’utilité sur le sujet, dit Nicolas, esquissant le mouvement de se lever.
    – Si fait, si fait, dit Necker, l’invitant à se rasseoir. Que sont devenus ces documents ?
    – Ils sont là où je les ai fait porter.
    – C’est-à-dire ?
    – Chez M. Le Noir.
    – Ah ! Chez Le Noir ?
    – Assurément.
    – Y sont-ils toujours ?
    Nicolas sentit qu’on abordait là, par touches successives, des rivages dangereux. Que savait exactement le ministre ? Son attitude et ses réponses seraient désormais dictées par la prudence la plus mesurée. Sous le regard attentif qui le fixait, il réfléchissait au moyen de formuler sans mentir. Il s’agissait de paraître sincère, en disant des choses inexactes.
    – Ce n’est plus de mon fait et, sans doute, M. Le Noir pourrait mieux que moi y répondre.
    – À qui obéissez-vous, monsieur ?
    Le ton était fort peu amène. Il suffisait pour s’en convaincre d’observer les plaques rouges qui marbraient soudain le grand visage flasque.
    – C’est selon, dit Nicolas, considérant le plafond avec la jubilation de quelqu’un qui sait se conduire avec la dernière impertinence. Les affaires que je traite ne sont point, comme vous le savez, ordinaires. Ainsi j’obéis au roi directement et, accessoirement, à son ministre de la Maison et à son lieutenant général de police.
    Necker s’était rassis ou plutôt laissé choir de surprise dans son fauteuil. Son habit se tendit comme si l’étoffe au lieu de le revêtir servait à retenir la débâcle du corps.
    – Dois-je comprendre que si j’ordonnais vous ne m’obéiriez point ?
    – Il est en effet exclu, je suis au désespoir de vous le dire, que cela se déroule ainsi. J’obéirai dans l’ordre de préséance que je viens d’énumérer. Ordonnez, et si l’une des trois autorités confirme votre souhait, je serai votre serviteur.
    – C’est bien ce qu’on m’avait dit…
    Le propos était éloquent et marquait un dépit.
    – … Ainsi, vous êtes à Sartine ? Ne protestez pas. Cela se sait. Or, parfois, il faut savoir choisir.
    – Je ne suis à personne, sinon à Sa Majesté.
    Un commis, l’air affairé, entra dans la pièce avec des pièces urgentes à signer. Necker marqua de l’humeur à ce dérangement, tout en consentant à se plonger dans la lecture attentive de ce qui lui était présenté. Nicolas apprécia n’avoir point à répondre à brûle-pourpoint à une question qui ouvrait d’inquiétantes perspectives. Il était trop au fait des cabales de cour pour ignorer qui étaient les amis et les adversaires du ministre. Il lisait à livre ouvert dans les arrière-pensées de cet homme-là. Certes Necker bénéficiait du soutien des salons et bureaux d’esprit, et le peuple plaçait en lui ses espérances. À la cour il
était apprécié de la reine, car il savait la circonvenir et lui céder sur ce qui n’était point essentiel. Pourtant ce n’était pas les voix qui manquaient, acharnées à le détruire dans son esprit. Une partie de l’entourage, les Polignac en particulier, le détestait. C’est qu’il avait mis en cause, ou du moins l’avait-il tenté, car sur ce point Maurepas s’était mis par son travers, les droits de mainmorte et de mainmise que certains grands continuaient d’imposer. En revanche, il contrôlait plus étroitement le versement des pensions, indemnités, gratifications légitimes ou non et les faveurs abusives répondant au flux des

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