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L'honneur de Sartine

L'honneur de Sartine

Titel: L'honneur de Sartine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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sollicitations, en particulier par l’intermédiaire de la reine et de ses proches. Tous ces avantages, dont certains dispensés de la main à la main, grevaient gravement le budget. Cette tentative de contrôle insupporta aussitôt et suscita de véhémentes clameurs. Ainsi les Polignac, la favorite Mme Jules et son amant M. de Vaudreuil, sa belle-sœur la comtesse Diane, les Guines, le comte d’Adhémar et Artois, frère du roi, continuaient à exiger.
    Mais, à la cour, les fronts pouvaient soudain se renverser. Necker venait d’essuyer un revers apparent. Mercy-Argenteau, ambassadeur de Marie-Thérèse, que liait à Nicolas une fidélité commune à la reine, avait pris l’habitude de lui confier ses soucis. Il n’avait pas dissimulé l’irritation de Marie-Thérèse au su des grâces pécuniaires accordées aux favoris. Ainsi la petite Mlle de Polignac venait d’être gratifiée d’un don de huit cent mille livres et le comte de Vaudreuil, amant de Mme Jules de Polignac, d’une pension de trente mille livres. En apparence Necker s’y était opposé. Maurepas, pour complaire à la reine, l’aurait contraint à capituler. Cette faveur ayant transpiré faisait sensation à la cour comme à la
ville. Pour l’ambassadeur d’Autriche, il y avait soupçon que venaient de se nouer entre la société de la reine et le directeur des finances une coopération effective, une sorte de traité d’alliance sans doute provisoire. À terme, pour cette coterie, Necker deviendrait, en dépit de ses habiletés, l’homme à abattre.
    Il se remémora un récent souper dans l’appartement de Thierry de Ville d’Avray. Son hôte avait inventé un grand plat dont le dessus se soulevait afin de pouvoir y disposer des braises. Cette faïence résistante permettait enfin de manger chaud et de restituer toute leur saveur aux restes fastueux de la table royale. Le premier valet de chambre avait démonté à Nicolas la stratégie de Necker. Vis-à-vis de l’Église en particulier, il avait su habilement manœuvrer. Sa réserve affichée, quoi qu’il en eût, sur un éventuel édit de tolérance à l’égard de ses coreligionnaires, lui avait valu la neutralité de l’épiscopat. Prudemment il n’avait pas dévoilé son projet secret de suppression de la dîme. On l’avait même vu en compagnie de sa femme souper avec Christophe de Beaumont, archevêque de Paris, chef du parti dévot. La chose avait été chansonnée :
    C’est que Necker, le fait est très certain,
    N’est pas janséniste… Il n’est que protestant.
    Quant au roi, Thierry de Ville d’Avray avait révélé, en confidence, que celui-ci n’éprouvait à l’égard de Necker aucun élan spontané, semblable à celui qui le portait naguère vers Turgot. La raideur genevoise du ministre glaçait toute ouverture. En outre, le monarque supportait mal la suffisance d’un serviteur qui tirait par trop la couverture à lui alors qu’à
tout moment une lettre, portée au petit matin par le ministre de la maison du roi, pouvait le rejeter dans le néant.
    Necker était toujours plongé dans les papiers que le commis présentait à sa signature. Nicolas savait que la question posée précédemment serait répétée et qu’un nom viendrait à surgir, celui de Sartine. C’était pour l’homme des finances une obsession de chaque jour, le principal obstacle, celui dont le département ministériel compromettait son esprit d’ordre. Son principe demeurait que le trésor n’excédât jamais dans ses engagements ses facilités et ses ressources. Il considérait le secrétaire d’État à la Marine comme un incapable, lui reprochant à la fois l’insuccès des opérations de guerre et les cent millions de dépenses extraordinaires jetés tous les ans à la mer. Il le harcelait sans cesse pour l’obliger à se tenir dans les limites des capacités financières du royaume. Pour lui, du détail obscur de l’administration de la police à celle de la Marine, jamais Sartine n’avait acquis la plus légère connaissance exigée par cette grande place. Il n’était d’aucune façon l’homme indispensable à opposer à la redoutable amirauté anglaise.
    Ainsi pour Necker, il fallait abattre Sartine. Restait que celui-ci était soutenu, longtemps par la reine qui s’en était peu à peu désentichée et toujours par Mme de Maurepas qui l’affectionnait furieusement avec une passion de vieille femme. Or le vieux mentor ne passerait jamais sur la volonté

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