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L'honneur de Sartine

L'honneur de Sartine

Titel: L'honneur de Sartine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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s’était fourvoyé dans des réponses acrimonieuses, en se perdant aux yeux d’un puissant si infatué de lui-même.
    La sagesse eût été de savoir se taire, de parler peu, de modérer dans le vague ses réponses et de les orner, sans fausse honte, de ces politesses de société. Il ne s’était pas suffisamment méfié de lui-même et des mouvements d’un sang orgueilleux. Son goût de la loyauté et de la fidélité, la reconnaissance vouée à Sartine en dépit des dissensions qui avaient pu parfois les séparer, expliquaient, sans le justifier, l’accueil acerbe réservé aux inacceptables propositions du ministre. À bien y réfléchir, ce qui le heurtait le plus c’était l’image que celui-ci s’était faite d’un homme comme lui, le supposant suffisamment infâme pour rédimer, par une trahison et l’espérance d’une protection, vingt ans d’absolue droiture. En vérité certains êtres ne méritaient que le silence du mépris quand ils s’oubliaient jusqu’à perdre le respect qu’ils vous devaient. La faveur du pouvoir est
un charme auquel peu résistaient. Certes, il n’avait guère été habile, mais il en arrivait à la conclusion, quelles qu’en soient les conséquences, qu’il avait fait honneur à son nom, à son passé et à cette image de lui-même qui toujours avait dirigé ses actes.
    Tout à sa méditation, ses pas le portèrent sans qu’il s’en rendît compte vers l’hôtel de police tout proche. Quel était l’objectif réel de l’audience de Necker ? Il lui paraissait que le but final consistait à l’inciter ou le contraindre à se transformer en acteur de la vindicte du ministre à l’égard de Sartine. Quelle que soit la rencontre fortuite entre ses propres sentiments sur les prisons et la question et ceux de son interlocuteur, tout suggérait que la conversation n’avait été qu’un leurre et que la première partie n’avait d’autre but que de dissiper sa méfiance. Le reste avait naturellement suivi, une proposition de collaboration à la traque du ministre de la Marine sur des faits que lui-même ignorait, mais dont il supposait les noirs desseins.
    Et que venait-on l’amuser avec la nécessité illusoire d’un prétendu rapport ? Necker prenait-il Nicolas pour un sot, en semblant le croire peu informé de ce qui se préparait dans ce domaine ? La décision royale était prise tant pour les maisons de force que pour la question, une déclaration solennelle serait publiée dans quelques semaines à cet effet. Et d’ailleurs il suffirait au commissaire de rassembler en une rame unique tout ce que la situation des prisons lui avait depuis longtemps inspiré pour satisfaire sa soi-disant demande. Se moquait-on de lui en lui présentant comme des projets de réforme des décisions déjà engagées dont on savait déjà l’opposition sourde qu’elles suscitaient dans une administration routinière et peu portée aux changements ? Oui,
n’eût été sa capacité de traverser ces faussetés, il aurait pu être dupe des propos doucereux de Necker. Le roi, si tant est que la chose eût été évoquée devant lui, avait pu être surpris par quelque argutie de langage, n’appréciait sans doute pas qu’on usât, qu’on mésusât, d’un de ses serviteurs. Nicolas se réjouissait déjà de lui soumettre le cas, si d’aventure l’affaire tournait mal. Il ne pouvait pourtant conserver par-devers lui une telle tentative. Et à qui se confier sinon au lieutenant général de police ?

    L’accablement saisit M. Le Noir au récit que lui fit Nicolas de son entretien avec le directeur du trésor. D’énervement il leva les bras et fit faire la roue à ses superbes manchettes, manie qui faisait dire en ville qu’après le collectionneur de perruques, quatre-vingts pièces au dernier état, on avait affaire à un amateur de dentelles.
    – Je supposais tout cela et étais assuré que Necker n’aurait garde d’y manquer. Il déteste Sartine et n’a de cesse de le perdre. Il a supposé que vous seriez le meilleur pion pour aller à dame ! Maintenant le ministre de la Marine vous demande. J’étais sur le point de vous faire chercher. Oh ! Cela m’est présenté de suave manière, mais si la forme est agréable, le fond n’en est pas moins net. À Versailles, sur-le-champ ! Croit-il notre candeur si grande que nous n’imaginions pas de quoi il retourne ? Faute, peut-être, d’avoir découvert ce qu’il cherche dans les documents de Ravillois,

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