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L'honneur de Sartine

L'honneur de Sartine

Titel: L'honneur de Sartine Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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j’en suis assuré – de tenir ce bougre-là. Monseigneur, libre à vous de jouer sur deux tableaux, mais sachez que ces mauvaises manières ne fatigueront jamais la loyauté que je vous dois. Une mutuelle ouverture demeure la meilleure politique pour aboutir dans cette affaire.
    Sartine demeurait de marbre, souriant même. Cette attitude à qui le connaissait comme Nicolas pouvait être tout aussi redoutable que les feintes colères dans lesquelles il excellait.
    – On ne lui échappe point et sa sagacité m’a toujours émerveillée. Ce fut mon élève. Soit, j’avoue. J’avais dépêché, ignorant, je le répète, votre projet
de perquisition, un de mes hommes à l’hôtel de Ravillois. Il ne s’agissait pas de marcher sur vos brisées, mais d’une démarche parallèle et complémentaire. Était-ce pendable ?
    – Ainsi votre homme a péri. Qu’escomptiez-vous qu’il pourrait découvrir ?
    – Je vous l’ai dit. Les fonctions de M. de Chamberlin le faisaient détenteur de papiers d’État.
    – Mais nous avions déjà examiné l’appartement.
    – Sans succès. La deuxième tentative aurait peut-être donné un résultat plus fécond. Je regagne Versailles. Voyez comme une franche conversation peut éclairer le débat.
    Sur ce, dans un nuage de poudre que répandait sa longue perruque, le secrétaire d’État à la Marine se retira, laissant ses interlocuteurs médusés.
    – Changera-t-il jamais ? murmura Le Noir, les yeux au ciel. Il y a longtemps que j’ai pris mon parti d’être considéré comme une roue de carrosse inutile. Et quoi maintenant, mon cher Nicolas ?
    – L’enquête se poursuit pas à pas et je ne désespère pas de disposer sous peu d’éléments nouveaux qui permettront de l’approfondir.
    Il relata longuement les événements de la nuit, qui plongèrent le lieutenant de police dans une silencieuse réflexion.
    – Sartine, dit-il tout à trac, ne s’en prendra jamais à vous, mais songez à prendre garde aux gens qu’il emploie. Si ses sbires commettent des abus et, osons le mot, des crimes, c’est peut-être moins à cause de leur détermination propre qu’en raison de la faiblesse qui est au-dessus d’eux et qui leur laisse le champ libre. Mesurons son tourment de venir à Paris alors que les affaires de la guerre lui dévorent
son temps. Dans tout cela, il y a un mystère que je ne démêle pas.
    Les confidences de Sartine résonnaient encore aux oreilles de Nicolas. Sa hantise était-elle en relation avec les opérations financières consenties au profit de la Marine ? Pourquoi cette réticence à révéler son tracas ? Quel secret inavouable scellait ses lèvres ?
    – Sans doute. Nous nous conformerons à ses désirs, mais c’est partie inégale, car s’il se flatte que nous entrions dans ses desseins, il ne nous dévoile aucune de ses craintes qu’il laisse…
    –  Environnées de ténèbres  !
    Ils éclatèrent de rire à la mention de cette expression si familière au ministre.
    – Enfin, nul ne conserve un secret de manière plus exacte que celui qui l’ignore !
    L’audience prit fin sur cette philosophique sentence.
    Piaffante et pointant les oreilles en tous sens, Sémillante le porta jusqu’au Grand Châtelet. À son arrivée le père Marie se livra à une sorte de gigue entrecoupée de lourds entrechats. Il roulait les yeux, puis, portant ses doigts à ses narines, exprima une sorte d’extase.
    – Nous voilà bien ! Holà, aurais-tu par hasard abusé de ton cordial ? On dirait l’ours du Pont-Neuf.
    – Point, Nicolas, point. Tu as un visiteur dans ton bureau. Et quand je dis un visiteur, hi, hi ! C’est plutôt une visiteuse. Elle s’est présentée en grand équipage avec quatre heiduques 34 aux coins d’un carrosse timbré. Lequel la doit reprendre dans une demi-heure. Je l’ai bien mijotée 35 . Sais-tu qu’elle est douce et aimable ? Elle n’a point fait la regoulée 36 devant un vieux singe comme moi.
    – Calme ton enthousiasme et veille à ce que je ne sois pas dérangé.
    Le père Marie cligna de l’œil, geste auquel Nicolas répondit par un haussement d’épaules. Dès avant la porte du bureau de permanence, il perçut le parfum d’Aimée d’Arranet. Elle l’attendait, chantonnant, assise sur un tabouret dans sa robe de fine mousseline jonquille rayée ton sur ton.
    – Monsieur le commissaire, dit-elle sur un ton mutin, je vais tout vous avouer. Vous vous faites rare et on se languit de vous.

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