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L'Hôtel Saint-Pol

L'Hôtel Saint-Pol

Titel: L'Hôtel Saint-Pol Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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tard, il entendit l’archer de garde crier :
    – La visite attendue pour la demoiselle de Champdivers !…
    Alors, lentement, il reprit le chemin de la Cité, roulant de lourdes pensées opaques au milieu desquelles parfois luisait l’éclair du génie.
    Vers le même moment, Odette tournait et retournait dans ses doigts une feuille de parchemin qu’elle avait le matin même trouvée, tout ouverte sur sa table, et pâle, frémissante, relisait pour la centième fois les mots qu’on y avait tracés :
    « Une pauvre fille de joie nommée Jehanne et habitant la rue Trop-va-qui-dure connaît le secret de votre naissance, que la dame d’Orléans n’a jamais pu vous dire. Elle sait sûrement le nom de votre père. Elle va venir vous voir. »
    C’était tout.
    La jeune fille tremblait. L’impatience la faisait grelotter. Et, saisie tout entière dans l’engrenage de ses pensées nouvelles, elle n’entendait pas les rumeurs qui passaient en rafales sur l’Hôtel Saint-Pol, les bruits d’armes, les appels, les pas précipités.
    L’Hôtel Saint-Pol venait d’apprendre l’assassinat du duc d’Orléans !
    Dame Margentine avait lu le billet. Honoré de Champdivers l’avait lu. Le vieux soldat et la gouvernante avaient échangé un long regard qui disait :
    – Son père ? Qui est-ce ? N’est-elle pas notre fille, à nous ?
    Et l’impatience les rongeait, eux aussi.
    Sur les tapis allait et venait un grand chien de forte taille, élégant lévrier d’une souplesse terrible, la tête fine, les mâchoires puissantes comme une très jolie machine à broyer, les reins onduleux, avec des mouvements et des attitudes qui révélaient la force.
    Il s’appelait « Major » ; un mot latin qui veut dire : plus grand – ou dans l’esprit de celui qui avait baptisé la bête : plus fort. Plus fort que quoi ? Plus fort que tout ! disait Jacquemin Gringonneur. Car c’était lui qui avait trouvé le nom après avoir longtemps hésité entre diverses appellations de héros grecs ou romains.
    Soudain, Laurence parut, introduite par un valet.
    Odette se dressa tout debout, inspecta la nouvelle venue d’un rapide coup d’œil, et les profondeurs de son âme furent troublées comme les fonds cachés de la mer se troublent et s’agitent au passage des grands monstres sous-marins.
    Honoré de Champdivers et dame Margentine dévisagèrent la femme, avec défiance.
    Le chien s’avança, tourna autour d’elle, l’interrogea, la sonda, et enfin, donna son avis en agitant doucement sa longue queue. Cela voulait dire : C’est une amie.
    – Major l’a accueillie, murmura Margentine.
    – Major nous dit qu’il n’y a rien à craindre, dit gravement Champdivers.
    Laurence était immobile au milieu de la pièce, devant Odette. En cette minute, elles se regardèrent jusqu’à l’âme. Leurs cœurs battaient. Un mot, peut-être, eût suffi…
    Presque en même temps, elles se détournèrent l’une de l’autre, avec le même soupir de regret pour le rêve une seconde évoqué, dissipé déjà. Odette fit un signe auquel le vieux soudard résista. Mais Margentine lui glissa à l’oreille : Major est là. Voyez-le !…
    Le chien s’était couché entre Laurence et Odette. Il les regardait avec la même tendresse de ses grands yeux intelligents qui voyaient peut-être ce que ne voyaient pas les êtres humains assemblés là. Alors Honoré de Champdivers consentit à sortir avec Margentine…
    La mère et la fille demeurèrent seules en présence.
    Odette, sans mot dire, tendit à Laurence la feuille qu’elle avait trouvée. Laurence la considéra avec attention…
    – Est-ce vrai ? palpita Odette.
    – Quoi ? fit Laurence étonnée.
    – Ce qu’il y a d’écrit là !…
    Laurence rendit la feuille, et dit en soupirant :
    – Je ne suis pas demoiselle, et je ne sais où j’aurais pu apprendre à lire. Je suis une pauvre fille du peuple, et le malheur des temps a fait de moi une pauvre femme. Ce que je suis devenue, je n’oserais vous offenser en vous le disant. Il vous suffira de savoir qu’on m’appelle Jehanne de la rue Trop-va-qui-dure {14} . J’habite là depuis ma plus lointaine jeunesse. Je ne me suis connu ni père, ni mère, ni enfant… c’est toute mon histoire.
    Odette joignit les mains avec force, et murmura :
    – Mais moi !… Dites !… que savez-vous de moi ?… Et comment le savez-vous ?…
    – Je vais vous le dire, sans mentir d’un mot, aussi vrai que Dieu

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