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L'Hôtel Saint-Pol

L'Hôtel Saint-Pol

Titel: L'Hôtel Saint-Pol Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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l’inconnue évanouie, et son vieux cœur de soudard fut ému. Il murmura :
    – Pauvre femme !…
    – Oui, oui, pauvre femme ! dit Odette. Comme elle a dû souffrir ! Si je pouvais l’arracher à la triste vie qu’elle mène, la garder ici près de moi, la consoler, lui faire oublier… Si elle voulait…
    – Oublier ! balbutia Laurence en ouvrant ses yeux hagards, qui me parle d’oublier ?…
    Odette saisit les mains amaigries de sa mère et, avec une sorte d’ardeur :
    – Si vous consentiez à demeurer ici, vous auriez bien vite oublié vos chagrins ; et puis, j’ai tant de choses encore à vous demander…
    Il fut évident que l’inconnue acceptait avec bonheur. Son pâle visage s’empourpra. Il parut certain qu’elle allait accepter. Et pourtant, quand elle ouvrit la bouche, ce fut pour dire avec résolution :
    – Il m’est défendu d’oublier. Oh ! si je pouvais oublier que je suis Jehanne de la rue Trop-va-qui-dure !… Et me rappeler… me rappeler un nom que je ne sais plus, que je cherche en vain dans les décombres de ma mémoire ! Adieu ! Je dois regagner mon logis.
    – Reviendrez-vous ? Ah ! promettez-moi ceci, au moins, puisque…
    – Je ne sais, dit sèchement Laurence. Il faudra pour cela que je me souvienne.
    – Prenez au moins ceci, murmura Odette en pleurant et en lui donnant une bourse.
    Laurence prit la bourse, pleine d’or, et la baisa. Puis elle leva les deux mains dans un geste imprécis, bénédiction peut-être, ou inconsciente supplication. Sans plus rien dire, elle s’en alla. Sur un signe d’Odette, Honoré de Champdivers l’escorta jusqu’à la grand-porte de l’Hôtel Saint-Pol.
    Comme Laurence allait s’engager sous la voûte, elle se trouva refoulée par une étincelante troupe de cavaliers qui entraient. Elle recula. Ils étaient une cinquantaine, armés en guerre, emmaillotés d’acier, et en avant de ce groupe terrible, la tête découverte selon l’habitude qu’il avait adoptée, venait Jean sans Peur…
    Laurence leva les yeux sur le resplendissant seigneur.
    Le duc de Bourgogne baissa les siens sur cette femme pauvrement vêtue que son cheval avait failli renverser d’un coup de poitrail.
    Les deux regards se croisèrent.
    D’une violente secousse, Jean sans Peur arrêta sa monture.
    Il était affreusement pâle.
    Et elle était livide.
    Enfin, elle leva sa main agitée de tremblements convulsifs. Et elle bégaya :
    – Son spectre !… Le spectre de celui que j’aimai !…
    Comme le pont se trouvait libre, la troupe étant entrée, elle s’enfuit, poussée par l’horreur ; quelques instants, on entendit ses cris inarticulés, puis ce fut tout. Alors seulement, comme délivré d’un cauchemar, Jean sans Peur grelotta :
    – Cette femme ! cette femme ! Qu’on l’arrête !
    Mais il était trop tard. La femme fut introuvable. Laurence s’était jetée dans ce dédale de ruelles qui enveloppaient l’ancien hôtel des Tournelles. Bientôt elle s’arrêta haletante et regarda autour d’elle. Puis, sans demander son chemin, elle se mit en route vers la rue Trop-va-qui-dure.
    Elle y parvint. Vers, le milieu de la rue, elle entra dans une maison basse dont la porte était entr’ouverte et qui se composait seulement d’un rez-de-chaussée. À l’intérieur, elle inspecta tout d’un coup d’œil satisfait, et murmura :
    – Me voici enfin chez moi. Heureusement, on n’a rien changé pendant mon absence.
    Jamais elle n’avait vu cette maison. Jamais elle n’avait pénétré dans cette chambre. Jamais elle ne s’était hasardée dans la rue infâme qui portait ce curieux sobriquet de Trop-va-qui-dure.
    Jean sans Peur avait mis pied à terre. Ocquetonville et Guines qui se trouvaient près de lui l’entendirent murmurer :
    – Un spectre ? Qui sait ? Que veut-il ? Pourquoi me cherche-t-il ?
    Il secoua la tête, et, d’une voix étrange, demanda :
    – Vous avez vu cette femme ?
    – Oui, monseigneur, une mendiante qu’on a laissé entrer.
    – Vous êtes sûr de l’avoir « vue ? »
    – Sans doute ! dit Guines étonné.
    Jean sans Peur regarda autour de lui d’un air de défi. Un nom à peine prononcé vint expirer sur ses lèvres. Mais ce nom retentit en lui avec fracas. Il tressaillit. De nouveau il se secoua, et se dirigea vers le palais de la reine.
    Alors, cette terreur superstitieuse qui l’avait envahi se dissipa. Il oublia le spectre. Laurence d’Ambrun s’évanouit. Il ne vit

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