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L'Hôtel Saint-Pol

L'Hôtel Saint-Pol

Titel: L'Hôtel Saint-Pol Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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illumina la nuit de ses souvenirs. La scène s’évoqua tout entière. Ce changement de costume qui l’avait si violemment impressionnée !… Si elle avait pu avoir un doute sur le récit de cette femme, ce doute se fut alors évanoui.
    – Je vous fais horreur n’est-ce pas ? dit tristement Laurence.
    – Non. Je sens, je devine que vous n’avez pas cru faire mal.
    – J’ai cru faire bien, j’ai cru, je crois encore que si je ne vous avais pas emportée, si je n’avais exécuté les ordres, on vous eût tuée… oh ! pas votre père, ajouta Laurence.
    – Pas mon père ! frissonna Odette. Il ne voulait pas me tuer, lui !…
    – Il vous…
    – Que voulez-vous dire ?…
    – Oui. Il faut que je le dise. Il vous…
    Laurence se débattait. Elle avait à dire quelque chose que « son souvenir » lui affirmait exact. Et elle ne voulait pas le dire. Cela lui semblait horrible de dire cela !
    – Je vous en supplie, murmura Odette.
    – Eh bien ! dit Laurence dans un violent effort, « il vous aimait ! »
    Un rayon d’ineffable joie éclaira la physionomie d’Odette. Elle n’avait donc pas à accuser son père !… Ce père inconnu ne s’était donc sans doute séparé d’elle que pour la préserver de quelque danger !… Elle pouvait donc…
    Elle pouvait AIMER SON PÈRE !
    C’était le triomphe de Saïtano ! C’était la floraison satanique d’une pensée profonde et tortueuse… C’était l’aboutissement du guet-apens moral le plus extraordinaire…
    Laurence continua, en racontant exactement, dans les moindres détails, l’arrivée de la litière, à Villers-Cotterets, l’entretien de Gérande et du prêtre, l’exposition de Roselys, la survenue de la duchesse d’Orléans qui prenait l’enfant, la soignait, allait enfin la confier à Honoré de Champdivers.
    Seulement, dans ce récit, c’était elle-même qui agissait au lieu de Gérande.
    La conviction fut inébranlable dans l’esprit d’Odette que cette femme disait la vérité. Mais alors, une question toute naturelle vint à ses lèvres :
    – Comment m’appelais-je en ce temps ?
    – Vous vous appeliez… vous étiez un ange ; il me semble que je vous vois, avec votre belle chevelure blonde, si fine qu’on l’eût prise pour un nuage d’or, et, votre sourire… Oh ! je le vois, votre sourire si frais, si pareil à une aurore du ciel, et vos bras autour… autour du cou de votre mère… Vous vous appeliez… oh ! mais je le sais pourtant !
    Il y avait une sourde rage dans son accent. Son cœur meurtri sanglotait : Roselys ! Roselys !… Et elle finit par bégayer :
    – Je ne dois pas vous le dire… Pas aujourd’hui, du moins !
    Odette, avec de l’effroi, cette fois, avait suivi ce qu’elle pouvait deviner de cette lutte.
    – Rassurez-vous, dit-elle. Vous ne direz aujourd’hui que ce que vous avez le droit de me dire. Le nom de mon père, continua-t-elle en hésitant, pouvez-vous ?…
    – Oui, dit Laurence. Je le puis. Je le dois. Votre père s’appelait alors le comte de Nevers. Il s’appelle aujourd’hui Jean sans Peur duc de Bourgogne.
    Odette, qui s’était penchée avidement pour recueillir le nom de son père, se cacha la figure dans les deux mains. Elle se sentit envahie par une terreur qu’elle se reprocha comme un crime filial. Jean sans Peur ! Le nom était maudit. Partout il provoquait des rumeurs de haine. Ce fut avec angoisse qu’elle murmura :
    – Mon père s’appelle Jean sans Peur.
    – Et s’il se doute que vous savez cela, dit Laurence d’une voix précipitée, votre mère…
    En prononçant ce mot, elle se mit à haleter, une teinte livide se plaqua sur son visage, elle râla :
    – Votre mère… ta mère, enfant, songe à ta mère !
    Au même instant, elle hurla :
    – Jean sans Peur ! Jean sans Peur !
    Et elle se renversa sur le tapis, s’abattit sans connaissance.
    Honoré de Champdivers et dame Margentine aux écoutes entrèrent précipitamment, relevèrent Laurence évanouie ; la gouvernante l’assit dans un fauteuil et lui donna les soins nécessaires, pendant que le vieux chevalier saisissait la main d’Odette toute blanche :
    – Qu’a-t-elle dit ? Qu’a-t-elle dit ?
    – Je ne dois pas le révéler, trembla Odette.
    – Pas même à ton grand-père ?
    – Pas même à mon père ! répondit gravement Odette.
    Champdivers jeta un mauvais regard à Laurence. Mais alors il vit le chien Major qui léchait les mains de

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