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L'Hôtel Saint-Pol

L'Hôtel Saint-Pol

Titel: L'Hôtel Saint-Pol Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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s’apaisèrent. Il n’y eut plus sur son visage qu’une sorte d’indifférence. Elle considéra Saïtano et dit avec fermeté :
    – Gérande m’a tout dit. Je suis prête à me rendre à l’Hôtel Saint-Pol.
    – Mystères de la mémoire ! murmura Saïtano d’un accent de triomphe. Je vous ai sondés, vous êtes encore mystères pour tous les hommes, excepté pour moi ! Mystère de la vie ! Je t’arracherai aussi ton masque, je saurai ce que tu caches dans tes voiles !… Merci, ma bonne Jehanne. Et, quand vous sortirez de l’hôtel Saint-Pol, où irez-vous ?…
    Laurence parut étonnée de cette question.
    – Ne le savez-vous pas ? dit-elle. Je m’en retournerai chez moi, dans la rue Trop-va-qui-dure où j’habite depuis douze ans. Vraiment, vous avez peu de mémoire !
    – C’est vrai, dit Saïtano, pensif. Je ne puis avoir la mémoire que vous avez, vous !
    Laurence reprit avec volubilité :
    – Depuis deux heures que je suis ici, je vous ai dit tout ce que je sais. Laissez-moi donc rentrer chez moi. Et quant à cette fille, puisque vous le voulez ainsi, je lui dirai, à elle aussi, le nom de sa mère… le nom… attendez…
    – Ah ! gronda Saïtano, vous voyez ! Vous oubliez le nom de la mère !…
    – J’y suis ! fit-elle tout à coup : Laurence d’Ambrun est la mère d’Odette de Champdivers !
    Elle baissa la tête. Une poignante expression d’incertitude douloureuse s’étendit sur ce visage de mère qui n’était plus mère, de femme à la personnalité abolie…
    – Et le père ? Le père d’Odette ? dit rudement le sorcier.
    – Le père ? Le père d’Odette de Champdivers, c’est Jean sans Peur, comte de Nevers !
    – Vous voulez dire duc de Bourgogne ! rectifia Saïtano.
    – C’est vrai, dit-elle. Il est devenu duc de Bourgogne, de par la mort de son père Philippe.
    – C’est bien, dit Saïtano. Allez !… Allez à l’Hôtel Saint-Pol où vous êtes attendue !…
    Laurence, paisible et indifférente, se revêtit d’un manteau et couvrit sa tête d’une capuche. Elle se dirigea vers la porte. Saïtano la guettait avec angoisse. Il l’arrêta au passage en la touchant au bras.
    – Jehanne, dit-il, vous rappelez-vous ce que Gérande vous a promis de ma part, « hier », « chez vous », dans la rue Trop-va-qui-dure ?
    – Hier ?… La rue Trop-va-qui-dure ? Je ne sais plus…
    – Elle vous a promis dix écus d’or si vous consentiez à venir ici ce matin… Les voici.
    Laurence prit les pièces d’or avec étonnement et sourit. Peut-être ces médailles de métal brillant n’avaient-elles plus pour elle leur ordinaire signification. Elle frissonna de froid, serra le manteau sur ses épaules, et avec une rapidité nerveuse :
    – Allons, laissez-moi passer, puisqu’il faut que j’aille parler à Odette de Champdivers !
    – Allez ! dit Saïtano avec cette même profonde émotion du créateur qui voit se mettre en marche l’être qu’il a créé de toutes pièces.
    Laurence descendit cet escalier qu’elle connaissait depuis douze ans. Elle quitta cette chambre qu’elle habitait depuis douze ans. Et elle se disait :
    – Il faut que je rentre à mon logis de la rue Trop-va-qui-dure… Je n’aurais pas dû venir ici…
    Dehors, elle hésita. La lumière du jour l’éblouit. Pauvre âme dédoublée, elle se sentait sollicitée par des forces contraires. Était-elle Jehanne ? Qu’était-ce que cette rue étroite ? Où allait-elle ? Que faisait-elle là ?
    À deux pas, Saïtano l’étudiait avec une poignante curiosité.
    Il s’approcha d’elle et lui souffla :
    – À l’Hôtel Saint-Pol ! Et vite ! On vous attend !…
    Elle se mit en marche. Saïtano la suivait pas à pas. Et Saïtano songeait :
    – Maintenant « Jehanne » voit pour la première fois des paysages qui étaient familiers à « Laurence ». Les souvenirs de Laurence vont-ils s’adapter aux visions de Jehanne ?…
    Et le phénomène s’accomplissait ! Peu à peu, Laurence marchait avec plus de décision, retrouvait aisément son chemin. Et enfin, toute hésitation vaincue, elle prenait la direction de l’Hôtel Saint-Pol. Les dessins de Paris lui redevenaient familiers… et elle n’était plus Laurence ! Elle était Jehanne, de la rue Trop-va-qui-dure…
    Saïtano escorta sa création jusqu’à la porte du domaine royal. Avec un sourire d’orgueil triomphal, il vit Laurence traverser le pont-levis. Un instant plus

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