Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
L'Hôtel Saint-Pol

L'Hôtel Saint-Pol

Titel: L'Hôtel Saint-Pol Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
Vom Netzwerk:
Il étendit le bras et, très doucement, répéta :
    – Allez, madame…
    Isabeau, pantelante, écumante, d’une voix qu’à peine on entendit :
    – Devant l’intrigante, devant la rebelle, vous chassez la reine !…
    – Non, madame, je vous dis simplement : Allez !…
    Et comme Isabeau demeurait sur place, pétrifiée, rudement, cette fois, il étendit encore le bras et, d’un accent sauvage :
    – Allez ! C’est l’ordre du roi !…
    Haletant et hagard, à demi penché, il demeura dans cette attitude, tandis que la reine s’en allait en reculant.
    Quelques minutes plus tard, elle était dans sa chambre, rugissante, insensée.
    Bois-Redon était là, colosse paisible, habitué sans doute à tous les orages, car sa figure poupine souriait, et d’un geste d’ignoble élégance, il frisait entre deux doigts sa toute petite moustache.
    Au bout d’une heure peut-être, ou plus, Isabeau l’aperçut, courut à lui, le saisit dans ses bras nerveux, l’étreignit, folle de rage et d’impudeur, et elle sanglota :
    – Venge-moi ! Venge-moi !…
    Et comme Bois-Redon répétait l’étreinte, répondait plus farouche, plus violent, d’une brusque secousse elle le repoussa et elle hurla :
    – Va-t-en ! Va-t-en ! Tu n’es pas l’homme ! Ni toi ! Ni Jean sans Peur !… Il y a au monde un homme…
    Elle s’abattit en travers de son lit, sanglota éperdument :
    – Et cet homme n’est pas à moi !
    Tout à coup, elle se releva, pénétra, rapide comme la tempête, dans la salle réservée à la tigresse Impéria ; l’animal allongé, le mufle sur les pattes de devant, ne daigna pas lever la tête. Isabeau tomba à genoux, saisit cette tête dans ses deux bras, enfonça ses doigts dans la rude toison, et cria :
    – C’est toi ! C’est toi qui me vengeras !…
    Il y eut un long et sourd rugissement. Impéria répondait !…
    Là-bas, dans le palais du roi, une autre scène se déroulait, comme un pendant de celle que nous venons de retracer. Après le départ d’Isabeau, Charles VI s’était laissé tomber dans un fauteuil.
    – Savoisy m’a tout dit, fit-il en grelottant. Ils ont fait disparaître Champdivers et dame Margentine.
    Odette poussa un cri d’espoir. Ils n’étaient donc pas morts ! On ne les avait donc pas tués ! Elle eut un mouvement pour s’élancer. Le roi la contint d’un geste.
    – Soyez sûre, dit-il, que je saurai retrouver ces deux braves serviteurs qui vous seront rendus sous peu de jours.
    – Mais s’il leur est arrivé malheur ! Oh ! sire, je vous en supplie, qu’on sache tout de suite ce qu’ils sont devenus !…
    – Non, continuait le roi, croyez-moi, c’est à vous qu’on en voulait – et à moi ! ajouta-t-il, soudain secoué d’un de ces longs frissons précurseurs de crise.
    – Sire, murmura Odette, oubliant ses craintes et ses douleurs devant ce qu’elle entrevoyait, rassurez-vous. Il n’y a plus rien à craindre en ce moment.
    En peu de mots, simplement, Passavant raconta son entretien avec Gringonneur, et comment, sûr qu’un danger terrible menaçait ceux-là mêmes qui l’avaient délivré de la Huidelonne, il était accouru pour mettre sa rapière à leur service. Il omit l’incident, de la porte de fer et l’intervention du geôlier. Charles VI, d’ailleurs, écoutait à peine, passant et repassant la main sur son front brûlant et murmurant :
    – C’est à moi qu’on en voulait !…
    Tout à coup il se dressa tout debout, et hurla :
    – À moi !…
    Savoisy, qui l’avait en effet réveillé et accompagné jusqu’à l’antichambre, entra précipitamment.
    – Mon capitaine ! ordonna le roi.
    Quelques instants après, le capitaine du palais entrait, et Charles VI lui donnait ses ordres :
    – Des gardes partout… Entendez-vous, monsieur ? Nuit et jour. Un poste à chaque porte du palais. Et qu’on tue sans pitié tout ce qui tentera d’approcher, ami ou ennemi. Allez !… C’est moi qu’ils veulent tuer ! ajouta-t-il en retombant dans son fauteuil.
    – Sire ! Calmez-vous, apaisez-vous ! Les ordres que vous venez de donner…
    – Et si on gagne mes gardes ! râla le roi. Si l’on subordonne mon capitaine ! Si le pain qu’on m’apporte est empoisonné ! Si l’eau que je vais boire contient la mort !… Je suis perdu !…
    Un instant, ses yeux flamboyants, d’un insoutenable éclat s’arrêtèrent sur Passavant, et le chevalier vit que ce regard contenait tout le

Weitere Kostenlose Bücher