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L'Hôtel Saint-Pol

L'Hôtel Saint-Pol

Titel: L'Hôtel Saint-Pol Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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Peur sut enfin avec exactitude ce qui s’était passé, il se dit que ses quatre molosses étaient des lâches, il se jura que Passavant serait cruellement puni, il s’affirma que Bruscaille, Bragaille et Brancaillon seraient pendus ; enfin il excita sa colère sur tous les détails de l’événement, et en même temps il comprenait qu’il n’osait pas envisager l’événement lui-même.
    L’événement, s’était la présence d’Isabeau de Bavière dans l’appartement d’Odette.
    L’événement, c’était qu’il comprenait enfin de quelle haine Isabeau enveloppait la jeune fille, et une fois de plus, l’abominable dilemme s’érigeait dans son esprit surchauffé :
    Ou déclarer ouvertement son amour pour Odette et renoncer à toutes les ambitions de sa vie, – ou se rattacher à Isabeau et sacrifier Odette…
    – C’est bien, dit-il en s’apaisant par degrés. À quatre, vous avez eu peur d’un homme !
    – D’un spectre ! dit Guines.
    – Vivant, vous dis-je ! À quatre, vous avez eu peur d’une seule épée… Vous n’êtes plus à moi.
    Les quatre se regardèrent.
    – Monseigneur, dit Ocquetonville, nous vous demandons de suspendre votre décision jusqu’à demain. Si nous avons eu affaire à un spectre, vous nous pardonnerez. Si au contraire, malgré toute vraisemblance, le sire de Passavant est encore au nombre des vivants, eh bien, par la Croix et les Plaies, ce sera demain son dernier jour.
    – Vous l’attaqueriez ?
    – Nous savons où le trouver ! crièrent les trois autres.
    – Et d’ailleurs, ajouta Guines, c’est demain que se célèbrent les funérailles du duc d’Orléans. Il faut que nous soyons auprès de monseigneur, car les Armagnacs seront en nombre.
    – Soit ! dit Jean sans Peur. Allez donc ; pour trois jours encore, vous êtes mes amis.
    Les quatre sortirent, empressés. Il n’était pas question de dormir. À ce moment, ils eussent bravé même le spectre. Ne plus être au duc de Bourgogne… autant valait-il mourir tout de suite !
    – Ce sont des braves ! murmura Jean, sans Peur quand il fut seul. Et qui sait, après tout, s’ils n’ont pas raison ? L’évêque de Dijon m’a affirmé que souvent les morts apparaissent aux vivants sous des formes telles qu’il est impossible de distinguer s’ils sont spectres. – Hum ! Nous verrons bien…
    À son appel, le capitaine des gardes se montra. Le duc planta son regard dans les yeux du soldat.
    – La vérité ! dit-il. Vous l’avez bien vu mort dans le sac ?
    – Comme je vous vois vivant, monseigneur.
    – C’est que Ocquetonville, Scas, Guines et Courteheuse sont des braves. Ils ont cent fois risqué leur vie. Or, ils soutiennent qu’ils l’ont revu.
    – Ils l’ont revu ! bégaya le capitaine tout pâle.
    – Cette nuit même !
    Le capitaine des gardes, tout harnaché d’acier, fit un signe de croix, et le duc de Bourgogne écouta le bout de prière que, d’une voix fervente, il récita. Et quand la prière fut finie :
    – Amen ! dit religieusement Jean sans Peur en se signant à son tour. Prenez douze hommes, ajouta-t-il, saisissez-vous de Bruscaille, Bragaille et Brancaillon, ils attendront au cachot que j’aie décidé de leur sort.

XXIX – PASSIONS HEURTÉES
    Passavant et Odette, d’un même regard, fixaient Isabeau de Bavière. Clairement, ce double regard lui disait : Est-il bien possible qu’une grande reine condescende au guet-apens ? Est-il donc bien vrai que vous êtes venue ici avec quatre coupe-jarrets pour une aussi basse besogne ?
    Isabeau, de son attitude, les dominait. Elle les examina un instant, et dit :
    – Sire de Passavant, pourquoi devant votre reine gardez-vous l’épée à la main ?
    C’était vraiment une reine qui parlait, sûre de sa force, de ses droits et privilèges. Cette voix, si calme, fit courir un frisson sur l’échine du jeune homme. Il eût préféré quelque terrible éclat.
    Saluant donc d’un geste rapide, il rengaina le fer, mais il répondit :
    – Pardonnez-moi, madame, mais je dois faire remarquer à Votre Majesté que les quatre hommes qui viennent de fuir avaient également l’épée au poing devant leur reine.
    – Pour mon service, dit Isabeau. C’est bien. N’en parlons plus. Peu habitué à la cour, vous n’êtes pas initié aux règles de la politesse en usage. Je vous pardonne donc aisément vos manquements à l’étiquette, et même votre attitude en ce moment. Mais je veux savoir

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