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L'Hôtel Saint-Pol

L'Hôtel Saint-Pol

Titel: L'Hôtel Saint-Pol Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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le meilleur fripier de la friperie. Puisque vous m’appelez monseigneur, je ne veux pas vous faire mentir et veux me déguiser en prince, car demain… demain, je vais porter ma note à l’Hôtel Saint-Pol !…

XXI – DES VISIONS
    Il paraît que le fripier amené par maître Le Poingre était en effet capable d’habiller un prince. Le lendemain soir, à neuf heures, Passavant était prêt déjà. Bien qu’il eût, contre le goût du jour, choisi un costume de couleurs sobres il avait fort bonne mine et ne laissa pas que de s’admirer quelque peu.
    Il se mit en route et à l’heure fixée se présenta à la grande porte de l’Hôtel Saint-Pol, où l’attendait Bois-Redon. En traversant cette voûte sombre et froide, le chevalier ne put se défendre d’un frisson. Il avait passé par là douze ans avant, entre deux lascars qui le tenaient par les bras, et Saïtano derrière lui ! Son cœur battit à grands coups lorsque Bois-Redon le prit par le bras, et sa gorge se serra.
    – Quoi ? fit-il en se reculant. Quoi ?
    – Rien, dit Bois-Redon étonné. Je vous donnais le bras… Geste amical.
    – Amical… Ah ! oui, fit Passavant qui s’essuya le front.
    Bois-Redon le conduisit à travers ce jardin où Charles V, père du roi régnant, avait fait planter de beaux arbres fruitiers. L’Hôtel Saint-Pol était un océan de ténèbres. De-ci, de-là, se mouvaient confusément, avec de vagues apparences indescriptibles, des ombres qui semblaient fuir.
    – Des gardes, expliqua Bois-Redon. Ne faites pas attention.
    Passavant eut un grognement d’approbation, mais chaque fois qu’il entrevit une de ces formes indistinctes, sa main, d’un mouvement tout nerveux, se crispa à la poignée de sa dague.
    Brusquement, au détour d’une masse énorme et sombre, dans la lumière jaillie des fenêtres, apparut la façade du palais du roi. Presque aussitôt, le chevalier se vit montant un large escalier parmi des gens qui riaient, jacassaient, et, tout à coup, une porte franchie, il se vit englouti dans une foule qui évoluait lentement sous l’éclat des multitudes de cire. Il se retourna pour dire un mot à son guide, ou tout au moins le voir, enfin s’assurer qu’il n’était pas seul – mais Bois-Redon avait disparu.
    La salle était immense. Des tapisseries, entre les demi-colonnes appliquées aux murs, tendaient les panneaux. Des fers forgés, chimères qui s’accrochaient aux murailles en des attitudes étranges, portaient les cires d’où s’échappaient avec la flamme de légères vapeurs odorantes. Et d’autres parfums s’épandaient dans l’atmosphère lourde. Une musique aux rythmes lents et languides venait, on ne savait d’où, et il semblait au chevalier que cela faisait des parfums harmonieux, ou des mélodies de parfums. Il y avait des fleurs un peu partout, probablement poussées à grands frais dans les serres de la reine. Dans les profondes embrasures des fenêtres, encadrées de brocarts miroitants, des tables supportaient en quantité de fines et délicates pâtisseries que des jolies femmes grignotaient du bout des dents, et des flacons de vins clairs, pétillants, dont elles versaient l’or mousseux dans l’or d’un ou deux gobelets qu’elles se repassaient, buvant au même, car en ce temps à la fois raffiné et barbare, on n’avait pas établi l’usage qu’il fallût un verre pour chaque buveur.
    Une fièvre mettait d’ardentes rougeurs aux pommettes des joues du chevalier, et ses tempes battaient. Il sentait son cœur bondir dans sa poitrine. Il lui parut qu’on venait de le jeter soudain dans un monde inconnu qu’il n’eût jamais soupçonné. Les parfums l’étourdissaient. La musique le grisait.
    Et cependant, par une sorte d’orgueil, il s’efforçait à ne point s’étonner, ou tout au moins à ne pas paraître étonné. Nul ne faisait attention à lui, et cela lui fut un indicible soulagement. Vers le haut de la salle, près d’une porte à double battant alors fermée, il y avait une estrade élevée d’une seule marche et tendue de velours bleu. Sur cette estrade, deux fauteuils vides.
    Ce fut de ce côté qu’il se dirigea.
    Avidement, il cherchait la princesse qui l’avait appelé à l’Hôtel Saint-Pol. Son regard fouillait les multitudes, avec l’angoisse de la voir, elle aussi, au bras de quelque gentilhomme. Pourquoi ? Était-ce donc jalousie ? Quelque sentiment plus fort que sa volonté se levait donc peu à peu dans son cœur ou dans

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