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L'Ile du jour d'avant

L'Ile du jour d'avant

Titel: L'Ile du jour d'avant Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Umberto Eco
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d’amour désespéré pour elle, qui était la concubine du roi d’Assyrie et ne passait pas un seul jour sans commettre l’adultère ; l’historien Iuba dit qu’elle était même tombée amoureuse d’un cheval.
    Mais on pardonne beaucoup à un symbole amoureux, sans qu’il cesse d’attirer les poètes : d’où (et figurons-nous si Roberto ne le savait pas) Pétrarque qui se demandait « quelle grâce, quel amour ou quel destin me donnera des plumes comme colombelle ? », ou Bandello :
    « Ce colombeau à moi d’égale ardeur
arde fervent Amour en un feu cru
il s’en va cherchant en tout lieu
sa colombelle, et de désir s’en meurt. »
     
    Pourtant les colombes sont quelque chose de plus et de mieux qu’une Sémiramis, et l’on s’énamoure d’elles parce qu’elles ont cette autre si tendre caractéristique, qu’elles pleurent ou gémissent au lieu de chanter, comme si tant de passion satisfaite ne les repaissait jamais. Idem cantus gemitusque, disait un emblème de Camerarius ; Gemitibus Gaudet , disait un autre encore plus érotiquement intrigant. À en perdre la tête.
    Et pourtant, le fait que ces oiseaux se baisotent et soient si lascifs – et voilà une belle contradiction qui distingue la colombe – est aussi la preuve qu’ils sont très fidèles, et c’est pour cela qu’ils sont en même temps le symbole de la chasteté, du moins dans le sens de la fidélité conjugale. Pline le disait déjà : bien que très amoureux, ils ont un grand sens de la pudeur et ne connaissent pas l’adultère. De leur fidélité conjugale soient témoins aussi bien Properce païen que Tertullien. On dit, certes, que dans les rares cas où ils soupçonnent l’adultère, les mâles deviennent prépotents, leur voix s’emplit de plainte et cruels sont les coups de bec qu’ils infligent. Mais sitôt après, pour réparer son tort, le mâle courtise la femelle, et il l’adule en accomplissant de fréquents tours autour d’elle. Cette idée que la jalousie folle fomente l’amour, et celui-ci une nouvelle fidélité – et allons de s’emboucher encore bec à bec à l’infini et en toute saison – me semble fort belle et, nous le verrons, fort belle pour Roberto.
    Comment ne pas aimer une image qui vous promet fidélité ? Fidélité fut-ce après la mort, car une fois perdu leur compagnon ces oiseaux ne s’unissent plus à un autre. La colombe était donc élue comme symbole du chaste veuvage, même si Ferro rappelle l’histoire d’une veuve qui, noyée de tristesse pour la mort de son mari, gardait à ses côtés une colombe blanche, ce qu’on lui reprocha ; alors elle répondit Dolor non color  ; c’est la douleur qui compte, pas la couleur.
    Bref, lascives ou pas, cette dévotion à l’amour fait dire à Origène que les colombes seraient le symbole de la charité. C’est pour cela, dit saint Cyprien, que le Saint Esprit vient à nous sous forme de colombe, d’autant que cet animal n’est pas seulement dénué de fiel, mais il ne griffe pas avec ses ongles, il ne mord pas, il lui est naturel d’aimer les habitations des hommes, il ne connaît qu’une seule maison, il nourrit ses petits et passe sa vie en une longue conversation, s’entretenant avec son compagnon dans la concorde – en ce cas hautement probante – du baiser. Où l’on voit que se donner des baisers peut être aussi le signe d’un grand amour du prochain, et l’Église a dans son usage le rite du baiser de paix. C’était une coutume des Romains de s’accueillir et de se rencontrer avec des baisers, même entre homme et femme. Des scoliastes malveillants disent qu’ils le faisaient parce qu’il était interdit aux femmes de boire du vin, et en les baisotant on contrôlait leur haleine ; mais en somme, les Numides, qui ne donnaient de baisers qu’à leurs petits, étaient jugés de goûts grossiers.
    Comme tous les peuples ont estimé que l’air était d’une grande noblesse, ils ont honoré la colombe qui vole plus haut que les autres oiseaux, et pourtant revient toujours fidèle à son nid. Ce que certes fait aussi l’hirondelle, mais personne n’a jamais réussi à la rendre amie de notre espèce et à l’apprivoiser, alors que la colombe si. Saint Basile rapporte par exemple que les colombophiles aspergeaient une colombe d’un baume, et les autres colombes attirées la suivaient en nuées. Odore trahit. Ne sais si cela a beaucoup à voir avec ce que j’ai dit d’abord, mais me touche cette

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