L'Iliade et l'Odyssée
l’eau salée qui lui ruisselait sur le visage, elle
eut pitié de lui. Elle calma tous les vents, sauf celui du Nord, et
ce dernier poussa Ulysse à travers les grosses lames, vers le
rivage lointain.
Le matin du troisième jour, il aperçut enfin
la terre. Cependant il n’était pas encore sauvé. Le rivage était
bordé de rochers pointus qui lui auraient brisé tous les os. Mais
Athéna lui donna l’idée de longer la côte à la nage, hors du
ressac, jusqu’à l’embouchure d’un cours d’eau rapide.
Alors il pria la rivière d’avoir pitié de lui,
et elle arrêta son courant et aplanit ses eaux. Et c’est ainsi
qu’Ulysse, meurtri et brisé de fatigue, atteignit enfin le rivage.
Il resta étendu parmi les roseaux à l’embouchure de la rivière,
trop faible pour remuer ou pour parler. Mais il courba la tête et
baisa la terre, en signe de reconnaissance.
L’Odyssée – Scène 12 : Nausicaa
Au palais du roi des Phéaciens, la charmante
princesse Nausicaa s’éveilla d’un doux rêve. Son esprit était
encore tout plein du rêve de l’arrivée d’un époux, et de tous les
beaux habits dont elle et sa famille auraient besoin pour cet
heureux jour.
Aussi elle quitta sa chambre tout de suite et
parcourut le palais à la recherche de son père et de sa mère.
« Père chéri, dit-elle timidement, quand
elle les eut trouvés, pourrais-tu me laisser prendre un grand
chariot aux roues robustes, pour que j’emporte nos plus beaux
habits à la rivière pour les laver ? » Car c’était ce
qu’Athéna lui avait suggéré.
Son père sourit et donna des ordres à ses
serviteurs. Quand les mules furent attelées au chariot de bois
poli, Nausicaa sortit les beaux habits et les y entassa. Sa mère
ajouta un panier de nourriture délicate et une outre de vin. Elle
lui donna aussi de l’huile d’olive, pour s’en frotter après le
bain. Alors Nausicaa prit le fouet et les rênes et toucha les
mules. Elles partirent dans un grand bruit de sabots, et les jeunes
filles suivirent par derrière.
Elles atteignirent la rivière dont les creux
tourbillonnants suffisaient à laver même le linge le plus sale. Les
jeunes filles foulèrent les habits dans ces creux, jusqu’à ce
qu’ils fussent propres et brillants. Elles les étendirent en
rangées sur le rivage pierreux, juste hors d’atteinte des
vagues.
Quand elles se furent baignées et frottées
d’huile, elles prirent leur repas au soleil, attendant que les
vêtements sèchent. Ce fut après leur repas, quand elles jouaient à
la balle en poussant des cris joyeux, qu’Athéna éveilla Ulysse.
Il sortit en rampant du buisson qui
l’abritait, tenant devant lui une branche feuillue, car il n’avait
pas d’habits. Le corps meurtri et souillé par l’écume de mer, il
offrait un spectacle terrible. Épouvantées, toutes les suivantes
s’enfuirent. Mais la fille du roi resta là, car Athéna avait mis de
la hardiesse dans son coeur.
« Es-tu une déesse ou une mortelle ?
dit le subtil Ulysse. Si tu es une déesse, tu es sûrement Artémis.
Mais si tu es mortelle, heureux ton père et ta mère, heureux tes
frères ; et le plus fortuné sera ton époux, car je n’ai jamais
vu beauté comme la tienne. »
« J’espère que tu auras pitié de moi, qui
ai été jeté sur ce rivage après dix-huit jours de mer. Je te prie
de me donner quelques vêtements et de me dire le chemin de la
ville, car je ne sais pas même où je suis. »
Alors Nausicaa aux bras blancs lui
répondit : « Je vois, étranger, que tu n’es pas un
méchant. Tu ne manqueras de rien ici. Car c’est le pays des
Phéaciens, et je suis la fille du roi Alcinoos. »
Alors elle appela ses suivantes pour qu’elles
apportent des vêtements à l’étranger. Après qu’il se fut baigné
dans un endroit abrité et qu’il se fut revêtu des habits propres,
Athéna lui versa sa grâce sur la tête, si bien qu’il resplendissait
de beauté.
« Oh ! pensa Nausicaa en le
revoyant, comme je voudrais qu’il reste avec nous et s’établisse
dans notre pays ! Car c’est un tel homme que j’aimerais avoir
pour époux. »
Elle ordonna à ses suivantes de lui donner à
boire et à manger. Quand il eut fini, on empila dans le chariot les
vêtements lavés et bien pliés pour le retour. Nausicaa dit à Ulysse
qu’il pouvait marcher derrière avec les suivantes.
« Mais quand nous arriverons à la ville,
dit Nausicaa, près de la grande place, il te faudra
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