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L'Impératrice indomptée

L'Impératrice indomptée

Titel: L'Impératrice indomptée Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bertrand Meyer-Stabley
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Elle abandonne aussitôt ce sujet épineux. Mais, la conversation étant tombée, elle se lève brutalement : « À présent, tu peux t’en aller ! » Et le jeune homme de répondre, non sans ironie : « Trop aimable ! D’abord, tu me fais monter près de toi, tu me questionnes et puis tu me renvoies. Soit, je m’en vais puisque tu es lasse de moi, mais qu’il me soit permis, tout de même, de te serrer la main avant de partir. » Et Fritz Pacher de faire le geste. Prise au dépourvu, Élisabeth ne bouge pas et lui répond : « Eh bien ! reste, assieds-toi et conduis-moi ensuite dans la salle. » La barrière invisible qui les séparait semble alors être tombée ; le domino jaune, jusque-là guindé, paraît s’être transformé. Élisabeth commence à discuter de tout et de rien, commente avec ironie la situation politique en Autriche. Elle prend le bras de son cavalier et circule pendant deux heures au moins à travers la salle en parlant sans s’arrêter.
    Fritz Pacher ne se sent pas très à l’aise, bien qu’il ait conscience du succès que lui vaut sa partenaire. Il évite de lui faire une cour trop assidue, écarte de la conversation toute parole équivoque. Il est évident qu’il donne le bras à une grande dame, il s’aperçoit combien elle est peu habituée à être bousculée dans la foule. Élisabeth s’informe exactement du nom, de la profession, de l’origine et de la vie de son compagnon. Quand, pour finir, la conversation tombe sur Heine, le poète préféré d’Élisabeth, le jeune fonctionnaire l’a conquise. Elle lui dit quelques paroles aimables :
    — Les hommes, d’ordinaire, ne sont que des flatteurs. Quand on a, comme moi, l’occasion de les connaître, on ne peut que les mépriser. Quant à toi, tu sembles différent. Je sais à présent qui tu es, et moi dis, pour qui me prends-tu ? Où me mets-tu ?
    —  Tu es une grande dame, une princesse pour le moins. Tout ton être le prouve.
    Élisabeth rit et acquiert de l’audace. Il la prie d’enlever au moins son gant et de lui faire voir sa main, mais Élisabeth refuse ce geste intime.
    Cependant, l’heure avance. Ida, dans son domino rouge, ne s’éloigne pas trop et, de temps en temps, fait des signes désespérés : il est grand temps de partir. L’impératrice permet à Fritz Pacher de l’escorter jusqu’à sa voiture, un « fiacre sans numéro » qui a été discrètement loué pour l’occasion. Il y a un moment de panique lorsque, enhardi par son succès et par le champagne, Fritz Pacher veut soulever le voile qui cache le bas du visage ; Ida l’en empêche et le cri qu’elle pousse involontairement en se jetant devant lui confirme ce qu’il soupçonne. Le fiacre s’éloigne, emmenant une Élisabeth d’humeur fort gaie, alors qu’Ida est au bord des larmes, tant elle redoute les suites possibles de cette aventure.
    Les jours suivants, Fritz Pacher – ainsi qu’il le raconta beaucoup plus tard – hante le Prater et les cours de la Hofburg dans l’espoir de voir l’impératrice. Une seule fois, quand elle franchit les grilles en voiture, il en est assez près pour soulever son chapeau et s’incliner. Leurs regards se rencontrent, l’impératrice rougit. L’homme était-il abusé par sa mémoire quand il affirma qu’elle s’était retournée pour le regarder à nouveau, par l’espèce d’oeilleton dans la paroi arrière de la voiture ? Mais elle ne l’oublie pas. Moins d’une semaine plus tard, il reçoit une lettre mise à la poste à Munich, et qui l’aurait agacé s’il n’avait connu l’identité de l’expéditrice. Le ton est à demi moqueur, à demi flatteur, c’est celui qu’emploie une déesse qui condescend à parler à un mortel. La réponse de Pacher, adressée à Munich poste restante, est transmise à qui de droit ; et, pendant les deux mois suivants, des lettres envoyées de Londres où « Gabrielle » dit « habiter chez des parents » (c’est la reine de Naples qui les met à la poste) tiennent le jeune homme en haleine ; on lui promet un rendez-vous. « Comme vous avez dû être malheureux de ne pas recevoir de mes nouvelles pendant si longtemps. Comme le temps a dû vous paraître long... Êtes-vous en train de rêver à moi en ce moment ? » Tous les subterfuges compliqués de l’impératrice ne suffisent pas à tromper son correspondant. L’intimité verbale de ces relations incite Pacher à écrire que « Gabrielle » n’est pas

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