L'Impératrice indomptée
lamente l’impératrice. La comtesse Ferenczy et la jeune Marie Larisch restent debout toute la nuit pour la consoler. En robe de nuit moulante et petites babouches ornées de pierreries, les cheveux défaits dans une mantille de velours, elle se dirige cent fois vers la fenêtre. L’aube se lève, froide et blême. Un télégramme de Bay arrive enfin : il se trouve au poste de police ! Quand le chevalier errant regagne le bercail, il paraît quelque peu défait. On dirait qu’il s’est battu, et il porte un oeil au beurre noir en guise de décoration ! D’après ses dires, il a été assailli et dévalisé par une bande de voleurs qui l’ont laissé sans un sou. Il ne lui est plus resté qu’à se rendre à la police. En fait, il était allé au bordel. L’impératrice finit par découvrir le pot aux roses et choisit de pardonner.
1 - Néanmoins, Élisabeth se montre généreuse. L’un de ses actes charitables est pour Vienne un bienfait durable. Elle fonde les Volksküchen ou « cuisines populaires », quinze petits restaurants disséminés dans la ville et où l’on peut faire un repas convenable pour un prix dérisoire. Elle s’occupe de ces établissements jusqu’au jour où ils sont bien lancés. Elle intéresse au projet des personnes de la noblesse – les laissant poursuivre l’entreprise. Les « restaurants du coeur » avant la lettre sont bénéfiques. Un bon potage, un plat de viande, un plat de légumes, au prix coûtant. On les connaît aujourd’hui sous le nom de « Wok ».
VIII
AMAZONE ET MADONE
O BSERVONS DE PRÈS l’énigmatique impératrice Élisabeth, dans ses années de splendeur. Elle est dans la salle de bain de sa résidence d’été impériale à Ischl. Sa luxuriante chevelure retombe sur ses épaules en une auréole châtain. La couleur de son regard impénétrable s’accorde avec son collier d’ambre. Ce sont des yeux déconcertants, peu de gens sauront dire s’ils sont bleus, bruns ou gris. Des sourcils nets et en forme de cimeterre se recourbent au-dessus de ses yeux taillés en amande. Ses yeux, profondément enchâssés, sont à demi voilés par de longs cils. Son nez est petit, droit, sensuel, « intelligent », comme le qualifiait le duc Max. Une bouche arquée et résolue et un menton volontaire, à fossette, ajoutent du caractère à son visage ovale. Un cou long et galbé contribue encore à lui donner un air royal. Son corps est un idéal de grâce et de sveltesse. Elle aurait fait un modèle pour la Diane chasseresse des Grecs.
Elle mesure 1,72 m, mais cela n’apparaît pas cependant sur les portraits du couple, car les peintres représentent l’empereur plus grand que l’impératrice. Élisabeth a conservé sensiblement le même poids toute sa vie (environ 50 kilos, ce qui était tout à fait insuffisant). De même, sa taille, d’une incroyable finesse, est restée à peu près constante (50 cm). Elle la fait ressortir davantage encore par un laçage si serré qu’il lui coupe souvent le souffle. On a, en revanche, émis des doutes sur la mesure de son tour de hanches, 62 à 65 cm, mais il semble que l’on prenait alors cette mesure plus haut qu’aujourd’hui, ce qui rend difficile toute comparaison.
L’impératrice voue une vénération à sa coiffeuse Fanny. Maîtriser le flot de ses superbes cheveux est un travail délicat. Quand ils sont défaits, il en émane de magnifiques reflets auburn. Son lecteur grec décrit avec lyrisme le cérémonial quotidien de la coiffure : « Derrière la chaise de l’impératrice se tenait la coiffeuse, en robe noire à longue traîne, un tablier blanc de toile d’araignée attaché devant elle [...]. De ses mains blanches, elle fouillait dans les ondes des cheveux, les élevait en l’air et les palpait comme du velours et de la soie, les roulait autour de ses bras (ruisseaux qu’elle eût saisis parce qu’ils ne voulaient pas couler tranquillement mais plutôt s’envoler) ; enfin, elle partagea chaque onde en plusieurs autres avec un peigne d’ambre et d’or, et sépara ensuite chacune de celles-ci en innombrables filets qui, à la clarté du jour, devinrent de l’or filigrane [...]. De ses vagues, elle trama des tresses pleines d’art, qui se transformèrent en deux lourds serpents ; elle leva ses serpents, et les roula autour de la tête, et en forma, en les entrelaçant au moyen de rubans de soie, une magnifique couronne diadémale [...]. Puis, sur un plateau d’argent,
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