L'Impératrice indomptée
(lorsqu’elle part pour Madère), prend-elle soin d’être accompagnée de Lily Hunyady qui demeurera une grande amie bien après que son mariage l’aura forcée à quitter son service. Son frère Imre donne à Sissi ses premières leçons de hongrois.
Ida Ferenczy, fille de gentilhomme campagnard, entre à la cour en 1864. Elle restera sa plus proche confidente, connaissant tous ses secrets, s’occupant de sa correspondance privée. Elle lui était indispensable, bien moins comme dame d’honneur que comme amie intime. Max Falk indique dans ses mémoires que la cour de Vienne aurait dressé une liste de six jeunes aristocrates hongroises jugées dignes de devenir demoiselles de compagnie de l’impératrice, ce qui aurait donné lieu à quelques affrontements entre différents partis. Au moment de présenter cette liste calligraphiée à l’impératrice, une main inconnue y aurait introduit un septième nom, celui d’Ida Ferenczy, en aucun cas choisie par les instances de la cour.
Ida se tiendra à l’écart des commérages, se montrera réservée et même froide à l’égard de tous les membres de la cour, et restera dévouée corps et âme, même après sa mort, à sa maîtresse, devenue son amie. Il n’est nullement étonnant que cette étrangère au sein de la cour soit devenue une des femmes les plus détestées de la Hofburg ; mais cela, grâce à l’inébranlable affection que lui portait Sissi, ne la dérange pas. L’impératrice passe de longues heures avec sa nouvelle « lectrice ». Ida se doit surtout d’être présente pendant les séances de coiffure au cours desquelles toutes deux conversent en hongrois, langue incompréhensible aux femmes de chambre et aux coiffeuses. Elle devient ainsi comme un langage secret entre elles. Au bout de quelques semaines seulement, la comtesse Almassy écrit à des amis hongrois : « Ida est ravie de la bonne prononciation de l’impératrice, qui parlerait en outre très couramment le hongrois ; en un mot, elles sont satisfaites l’une de l’autre. » Il se passe des jours, voire des semaines, où Élisabeth est trop déprimée pour supporter même ses enfants ; elle préfère alors la compagnie d’Ida Ferenczy qui, sensible et dévouée, s’adapte toujours à l’humeur du moment. La jeune Hongroise est reconnue comme la personne la plus influente de l’entourage de l’impératrice ; on l’a logée en dehors, mais à proximité immédiate de la Hofburg, dans un appartement relié par un couloir aux appartements de l’impératrice, de sorte que les deux femmes peuvent communiquer entre elles à toutes les heures du jour et de la nuit.
Autre Hongroise servant l’impératrice en tant que dame d’honneur : la comtesse Festetics. Lorsqu’elle entre officiellement au service de l’impératrice, Sissi la reçoit dans une robe bleue, un grand chien allongé à ses pieds. Ses propos sont sans ambiguïté : « Si on me dénigre – c’est l’habitude de la maison – n’y prenez pas garde. Pour le moment, ne vous fiez à personne. Vous pouvez avoir pleine confiance en Ida. Ce n’est pas une dame d’honneur et je ne veux pas qu’elle soit intime avec celles-ci qui ne le souhaitent que par curiosité. Vous, c’est autre chose. »
Le journal intime de la comtesse Marie Festetics nous donne une idée équitable de ce qu’est l’impératrice et de ce qu’était son entourage. Il reflète l’ennui et la mesquinerie d’une vie de cour où, tôt ou tard, l’on s’enlise ou l’on s’abêtit. En janvier 1872, quand elle arrive à Vienne, elle a l’oeil frais et un esprit capable de jugement critique. Ce qu’elle nous montre est un empereur accablé de travail, se dévouant à ce travail avec un sens magnifique du devoir, un homme prompt à saisir les réalités, mais totalement dépourvu d’imagination, de sorte qu’en dépit de son adoration pour sa femme, il ne peut jamais la comprendre et qu’elle, de son côté, souffrait de cette absence de compréhension.
Marie Festetics est assez intelligente pour se rendre compte que beaucoup des griefs de l’impératrice, tant contre sa belle-mère qu’à l’égard de la cour, sont un peu imaginaires. Elle s’acclimate peu à peu à la vie de cette cour et apprend à aimer la femme étrange et fascinante qui est à la fois son impératrice et son amie, une femme, note-t-elle dans son journal, « qui différait de toute autre de toutes les façons, qui gaspillait son temps en
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