L'Impératrice indomptée
qu’Élisabeth écrit d’Ida ou de Marie : « Tous ces gens m’entourent en permanence, m’aiment et je les aime aussi... » Les liens deviennent tout aussi proches avec Irma Sztaray, âgée de trente ans, qui en 1884 deviendra son ultime dame d’honneur. Elle écrira : « Sa Majesté ne sympathisait qu’avec des personnes franches, sincères, et autorisait volontiers un mot déplaisant, pour autant qu’il fût vrai. En outre, eu égard à ses nerfs fragiles, elle escomptait de son entourage une maîtrise de soi absolue et un calme bienfaisant. Je croyais pouvoir aisément remplir la première condition ; quant à la seconde, je m’en remettais à Dieu et faisais voeu de la plus parfaite maîtrise de moi-même. »
Elle est, elle aussi, charmée par Sissi, écrivant dans son journal : « Je comprends très bien que l’impératrice soit déjà devenue une légende de son vivant. Bien au-dessus du commun des mortels et de la vie quotidienne, elle allait son chemin singulier tel un phénomène attirant tous les regards. On remarquait sa silhouette royale, toujours en vêtements de deuil, la pâleur de son visage et ses yeux qui, quel que fût l’endroit vers lequel ils se tournaient, réfléchissaient la lumière. Tous ceux qui la regardaient se sentaient envahis d’une affection pleine de compassion et d’admiration 1 . »
Pourtant, la dame d’honneur évoque l’une de ses faiblesses : la vanité, un trait prédominant de son caractère, mais Sissi a aussi de bons côtés. « Quand je ne suis pas à ses côtés, elle me fait sentir qu’elle pense à moi, se souvient Irma. Elle multiplie les petites attentions, m’envoie des livres qui lui ont plu puis me surprend avec un bon gâteau ou des bonbons pour accompagner un aimable message. Son âme m’apparaît toujours plus rayonnante, comme tissée de fils d’or. Pour ma part, je cherche à la distraire. Je note péripéties divertissantes, nouveautés, incidents amusants ou comiques pour les lui raconter si l’occasion se présente. Elle y trouve plaisir et se montre reconnaissante. » Les bavardages de sa lectrice ou de sa dame de compagnie constituent d’agréables divertissements à sa solitude.
La vie de dame d’honneur d’Élisabeth comporte parfois de curieuses expériences. Marie Festetics, dans son journal, raconte qu’un soir, au retour d’une marche, Élisabeth et elle s’apprêtent à rentrer à Schönbrunn. Il leur reste assez de force pour terminer la promenade par une course. Un policier, les voyant passer à toute vitesse, les croit poursuivies par quelque gredin et il se porte à leur secours. Marie ajoute : « Mais il reconnut qu’il s’agissait de l’impératrice et cessa de vouloir intervenir, non sans nous suivre en haletant jusqu’au château. » Élisabeth fait presque du « jogging » !
La princesse Stéphanie raconte comment, pendant des vacances d’été à Ischl, elle fait en sa compagnie des promenades qui durent depuis le début de la matinée jusqu’à la fin de l’après-midi. « L’impératrice ne s’arrêtait jamais pour le déjeuner ; tout au plus prenait-elle un verre de lait ou un peu de jus d’orange. Même à la maison, elle passait peu de temps assise ; il y avait peu de chaises dans l’appartement, elle était debout presque tout le temps. » Et, bien entendu, il faut que tout le monde fasse de même.
Lors d’un départ en croisière sur l’Atlantique, à bord du Chazalie , l’aptitude de la comtesse Festetics à supporter le mal de mer est mise à rude épreuve. Le yacht rencontre un mauvais temps si effroyable qu’il a le plus grand mal à rentrer au port. « C’est un miracle, écrira Marie Festetics à Ida Ferenczy, que nous ayons pu rejoindre la côte. Ce que j’ai souffert pendant ces dix-huit heures défie toute description. La seule idée de remonter à bord m’épouvante. Mon seul souhait est que les forces ne me manquent pas. » En vingt ans de service, elle a eu plus que sa part de tribulations et d’inconfort, mais ce qui fait rire quand on a trente ans peut devenir insupportable quand on en a cinquante, et Marie Festetics a largement dépassé la cinquantaine. Elle a pris beaucoup d’embonpoint, elle souffre de catarrhe, et il lui est de plus en plus difficile de suivre son entreprenante maîtresse. Quand le Chazalie quitte Douvres pour la seconde fois, le temps est encore si mauvais que les dames de compagnie les plus jeunes et les plus
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