L'Impératrice indomptée
Andrassy ?
L’hypothèse de l’enfant « hongrois » a fait couler beaucoup d’encre. Dans une série d’articles parus dans le journal munichois Süddeutsche Zeitung , Rudolf Reiser affirme, en se fondant sur les dates, que le père ne peut être que Jules Andrassy. Pour lui, le prénom a une signification plus importante encore. La région qui s’étend autour de Budapest s’appelait Valeria à l’époque romaine. En hommage à la Hongrie et au vrai père, Élisabeth aurait donc choisi ce nom qui n’était pas du tout en usage dans la famille des Habsbourg. Les filles s’appelaient en effet Marie ou Anne, Marie-Thérèse ou Léopoldine comme leurs grand-mères et arrière-grand-mères. On ne faisait aucun cas des prénoms modernes. Une seule chose est sûre : l’impératrice a accordé beaucoup plus d’attention à son dernier enfant qu’aux précédents et elle a absolument refusé de le confier à l’archiduchesse Sophie.
Mais ne faut-il pas voir là seulement la revanche d’une mère enfin capable de s’imposer dans l’éducation de son enfant ? Il n’y a aucune preuve que Marie-Valérie ait eu un autre père que Gisèle et Rodolphe même si l’histoire recèle beaucoup d’énigmes, même si on a dissimulé et détruit beaucoup de documents susceptibles de révéler la vérité. Brigitte Hamann, célèbre historienne, est fermement convaincue que Marie-Valérie est la fille de François-Joseph, ne serait-ce qu’à cause de leur ressemblance. L’impératrice a sans doute aimé Andrassy, mais elle n’a pas trompé son mari. Ç’aurait été tout à fait impossible, étant donné la vigilance de son entourage. On dit d’ailleurs qu’elle n’avait aucun goût pour l’amour physique, peut-être même de la répulsion et du mépris, comme il arrive aux femmes obsédées par la minceur. Mais ne se pourrait-il pas également qu’Andrassy, un homme sans nul doute fascinant, ait été à même de convaincre cette beauté farouche ? Il est certain qu’il a éprouvé plus que de l’amitié pour l’impératrice et qu’elle se montra très dévouée à son endroit, comme le prouve leur longue amitié qui dura toute leur vie. Élisabeth fut très affligée lorsque Andrassy succomba à un cancer, en 1890.
Où qu’elle se trouve, Élisabeth devient le sujet des conversations. Et lorsqu’un homme est au centre, les commérages vont bon train. Concernant ses prétendues liaisons, ils culminent à propos de l’existence d’un enfant secret. En effet, selon la très romanesque Marie Larisch, Sissi aurait eu une fille en 1882, baptisée Caroline. Mais le récit est imprécis, truffé d’erreurs chronologiques et d’invraisemblances. Sans doute doit-on y voir le symbole des rumeurs qui circulent à la cour... Cette supposée naissance est, parmi d’autres, l’un des moyens utilisés pour salir l’impératrice. En l’absence de preuves, un tel ragot n’a aucune valeur. On sait que, pour les esprits malveillants, une femme qui a trop reçu ne peut que souffrir. Sa vie cache inéluctablement quelque tare...
C’est souvent en Hongrie que naissent les rumeurs sur les amours secrètes de l’impératrice. À Gödöllö, l’un de ses cavaliers favoris est le prince Nicolas Esterházy, célèbre sous le nom de « Nicky le sportif », dont la propriété, immense, est voisine. Dans les années 1860 et 1870, il apparaît comme le premier cavalier de l’empire. C’est un jeune lion du grand monde, énergique et de belle allure ; célibataire, il est de deux ans le cadet de l’impératrice. On trouve encore Rodolphe Liechtenstein, dit « le beau prince » : célibataire également (il le restera toute sa vie) et cavalier réputé, un peu plus jeune qu’Élisabeth, il se fait aussi connaître en composant des chansons. Il manifestera toujours une véritable vénération pour sa souveraine.
De tous ces « cancans », on peut penser que le comte Grünne, pour lequel la nature pure d’Élisabeth resta toujours une énigme, est certainement le principal responsable. L’historien Friedjung raconte l’épisode suivant : « Quelques années après sa démission, Grünne tomba gravement malade. Quand il sentit sa fin approcher, il éprouva un violent désir de revoir encore une fois l’impératrice et de réparer ses torts envers elle. Élisabeth, instruite de cette demande, accourut au chevet du malade et le comte lui exprima ses regrets de tout ce qu’il avait fait contre
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