L'Impératrice indomptée
comme une femme déçue : elle est restée une adolescente romanesque.
Malgré cela, tous deux multiplient les marques de tendresse : ils correspondent fréquemment sur la santé des enfants par des lettres ou des télégrammes quotidiens ; chacun s’intéresse à la santé de l’autre et ils terminent leurs missives en s’assurant de leur affection. Sissi écrit régulièrement à son époux sous le nom de « Franz » ou souvent sous le nom de « Papa ». La plupart sont aujourd’hui déposées aux archives. Ce qu’on n’y trouve pas, ce sont les lettres de Sissi narrant quelque escapade d’une nature privée, ou celles de l’empereur avertissant l’impératrice d’être plus prudente. Elle tint durant toute sa vie un journal dans lequel elle détaille ses pensées et ses actions les plus intimes. Il a été brûlé à sa mort.
Sissi offre à ses proches un sujet inépuisable. Tantôt elle se trouve sur la mer Égée, sur la Méditerranée, ou sur l’Adriatique, tantôt à Paris, ou au soleil en Suisse, toujours à la poursuite de son rêve. L’empereur reçoit presque journellement l’avis de son arrivée à Corfou ou en Afrique ; et cette nouvelle, il la transmet personnellement à ses enfants. Ses lettres débordent de douces tendresses ; il écrit à sa femme très tôt le matin, et il lui arrive parfois de prendre un élan poétique et de s’essayer à des envolées lyriques. Tout cela, il le fait par un excès de politesse. Sa personnalité n’a jamais subi l’influence d’Élisabeth ; dans ses actes et sa conduite, il reste invariablement lui-même. Lorsqu’on cherche à se représenter ses rapports avec l’impératrice, on pense involontairement à un puissant terre-neuve qui vivrait en bonne intelligence avec une petite chatte. Il consent avec une dignité indulgente à ce que celle-ci joue avec ses larges oreilles, il peut même changer de place pour lui faciliter son jeu, mais sans jamais la regarder...
Élisabeth est souvent souffrante et l’empereur suit toutes les fluctuations de son état de santé avec le plus grand intérêt, quelle que puisse être la distance qui les sépare. Jamais, il ne cesse de l’exhorter à la prudence. Après l’année néfaste de 1859, la maladie prend un caractère assez sérieux. Dans les télégrammes qu’il adresse à ses filles, se trouvent à tout instant les traces de l’inquiétude : elle a pris froid, ou bien elle se plaint de maux de gorge ou encore de ses yeux. Il ne consent même pas à la laisser au chevet du lit de mort de son père, parce qu’il craint qu’elle ne s’enrhume et il se déclare prêt à la remplacer auprès de son beau-père pour s’occuper de tout.
Cependant, lorsqu’il s’agit pour elle de débarquer sur la côte peu sûre de l’Asie Mineure, toutes les précautions, et la défense même de François-Joseph, ne servent à rien. Il est de toute évidence qu’il a dû se passer maintes scènes agitées dans le couple avant qu’on ne soit arrivé à ce degré d’harmonie qui trouve son expression dans la vie errante de la femme, pendant que le mari s’efforce, dans son pays, d’accomplir ses devoirs.
On peut difficilement concevoir deux natures aussi foncièrement opposées. L’empereur est un homme sec, pratique, équilibré, pour lequel il n’existe au monde que des questions qui peuvent se résoudre par des décisions catégoriques mais qui n’assument jamais le fond des problèmes. Il n’a aucune sensibilité et reste sourd à tout ce qui concerne l’art ou les impulsions élevées de l’âme. C’est un soldat discipliné mais incapable de passion, qui ne se distingue de la plupart des officiers subalternes que par l’expérience acquise à travers de nombreuses années. Il est au fait de certaines questions techniques, a une connaissance peu commune du maniement des hommes. Il est d’une grande dignité, tant innée qu’apprise et, dans les meilleurs cas, d’une politesse toujours égale et inébranlable. L’impératrice lui apporte en dot le tempérament romanesque traditionnel de sa maison.
Les contrastes marqués entre les parents de François-Joseph, l’archiduc François-Charles et l’archiduchesse Sophie, sont encore plus accentués chez François-Joseph et Élisabeth. L’apport d’énergie dans cette autre union mémorable entre un Habsbourg et une Wittelsbach vient du côté opposé. Tandis que l’archiduchesse Sophie, douée de sentiments élevés et d’une
Weitere Kostenlose Bücher