Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
L'Impératrice indomptée

L'Impératrice indomptée

Titel: L'Impératrice indomptée Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bertrand Meyer-Stabley
Vom Netzwerk:
elle, à Linz. Cette combinaison rare, ce triangle amical doit ainsi tout à son tact. On comprend ainsi mieux l’indulgence de l’empereur pour les lubies et les dépenses de son épouse...

XII
    VIE PRIVÉE
    S I L’ON SE RÉFÈRE à la correspondance entre François-Joseph et Élisabeth, force est de constater que les faits insignifiants prennent une grande place dans leurs échanges épistolaires, comme s’ils n’avaient pas grand-chose à se dire. L’empereur met son empreinte sur les formalités les plus banales. Pour le gentleman accompli il n’y a rien de plus caractéristique que les conversations sur le temps, celui d’hier, celui qu’il fera demain. Ceci nous explique que les télégrammes qu’il expédie de Budapest, de Gödöllö ou du terrain de manoeuvres de Jungbunzlau à sa femme à Tunis, Corfou, Vienne ou Paris, traitent huit fois sur dix, dans leur simplicité naïve, de la température de l’air. Quelquefois, il entre dans des détails, il télégraphie par exemple qu’il a fait du vent ou qu’il a fait chaud, ou bien qu’il y a eu de l’orage suivi de beau temps...
    On constate aussi avec quelle patience admirable et quels soins vigilants il veille sur les trajets de son épouse. Quelle que puisse être l’importance de ses occupations, il ne manque jamais de faire lui-même les commissions de l’impératrice, ni de se préoccuper des routes qu’elle veut suivre. Il s’arrange pour que les autorités des pays où elle se trouve soient toujours averties de ses déplacements, afin de lui épargner toute difficulté, tout ennui. A-t-il lieu de redouter pour elle l’entrée dans un port quelconque, ou estime-t-il qu’il soit désirable qu’elle l’évite pour des raisons politiques, il lui défend carrément d’y aborder. Il oppose à son existence fantaisiste une bienveillance paternelle et conciliante. Il est triste de dire que jamais il ne laisse rien paraître de ses impressions ni à sa femme, ni à aucune autre personne ; les lubies inattendues de l’impératrice, il les range dans l’ordonnance de sa vie d’homme rigide.
    Il veille que tous les égards, tous les honneurs lui soient rendus, malgré son désir d’anonymat. Dans ce besoin constant de demeurer inconnue et de dissimuler sa couronne, Élisabeth choisit au hasard les plus singuliers pseudonymes et s’imagine de bonne foi passer inaperçue. Un jour, elle est comtesse de Hohenems, une autre fois Mrs. Nicholson-Chazalie. Elle a aussi trouvé un pseudonyme pour l’empereur : « Megaliotis » ; et bien que l’appellation ne soit pas fort à son goût, François-Joseph, se pliant au voeu de sa femme, signe de ce nom les télégrammes écrits de sa main et utilise les noms d’emprunt qu’elle se donne lorsqu’il lui envoie du courrier. Seulement, il lui arrive parfois de glisser involontairement le mot « impératrice ». Ce petit jeu de cache-cache est sans aucune utilité. Si l’empereur, soucieux de la sécurité d’Élisabeth, n’avait pas fait appel au service secret de la police viennoise, cette vaste et puissante organisation eût fonctionné d’elle-même. L’impératrice veut ignorer que, tout comme l’empereur, elle est entourée d’un contrôle discret... ou qui se targue de l’être. François-Joseph lui-même se berce volontiers de l’illusion qu’il n’est pas surveillé. Il ne met cependant pas en doute la nécessité d’un tel service et l’exige pour la personne de l’impératrice ; mais ce contrôle doit s’exercer avec le plus grand tact et sous le manteau de l’invisibilité. Avant qu’Élisabeth prenne un train, toutes les autorités responsables : compagnie des chemins de fer, police, département politique, sont avisées de son départ et le préfet de police du lieu où elle se rend donne par avance ses ordres. L’incognito n’est réellement pas possible. Élisabeth est à chaque fois désagréablement surprise lorsqu’elle découvre qu’elle est reconnue et attentivement épiée.
    Il a appris à être seul à la Hofburg. Sans doute a-t-il aussi constaté que sa femme et lui n’ont pas grand-chose à se dire quand ils restent trop longtemps ensemble : il ne peut ni adopter ni comprendre sa façon de vivre dans les nuages. Autant il l’aime quand elle fait l’enfant, autant il la suit mal dans ses divagations poétiques. Née avec le tempérament d’une artiste, mais sans talent créateur, Élisabeth se voit, au bout de tant d’années de mariage,

Weitere Kostenlose Bücher