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L’impératrice lève le masque

L’impératrice lève le masque

Titel: L’impératrice lève le masque Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nicolas Remin
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son souffle qui sentait le sorbet à la violette, et pendant un instant, il crut entendre battre le cœur de Sissi. « Mon Dieu, pensa-t-il épouvanté, si jamais quelqu’un entrait maintenant, il croirait que l’impératrice et moi… »
    — Alvise ?
    La voix provenant de la porte de la chapelle était aussi cinglante qu’un coup de fouet.

47
    — Je vous dérange ?
    La comtesse toussota de manière équivoque. Son fils se releva en s’efforçant de dissimuler l’impératrice.
    — Nous étions en pleine expérience scientifique, expliqua-t-il. Il s’agit du reflet qui se forme sur la pupille…
    Il renonça d’emblée, conscient qu’il était ridicule de vouloir expliquer la chose à sa mère. L’image de l’assassin sur la rétine de la victime ! Cette histoire était trop absurde pour qu’il vaille la peine de commencer à la raconter.
    La comtesse fit deux pas en direction de l’autel, puis elle s’arrêta. Tron constata qu’elle avait fermé la porte derrière elle.
    — Une expérience sur le reflet qui se forme sur la pupille, dis-tu ?
    La vieille dame jeta à son fils un regard d’incompréhension. L’usage aurait voulu qu’il fasse les présentations. Mais sa mère avait-elle le droit de voir l’impératrice ? Non. Il aurait dû révéler qui elle était, et seule Sa Majesté pouvait décider si elle le souhaitait. Ou alors il aurait dû la présenter sous le nom de comtesse Hohenembs, mais il était peu vraisemblable que sa mère ne reconnût pas la souveraine. Il fut pris d’une suée.
    C’est Sissi qui le sortit d’affaire. Elle se leva (il entendit le froufrou de sa robe derrière lui) et s’avança à ses côtés. Du coin de l’œil, il aperçut qu’elle n’avait pas remis son masque. Elle se mit à parler avec un étonnant sang-froid :
    — Je suis désolée, comtesse, de ne pas avoir pu vous saluer plus tôt.
    Ce n’était pas tout à fait exact puisqu’elle n’avait pas cherché à imposer sa volonté à Mme Königsegg, mais cela n’avait guère d’importance.
    — Je vous prie de m’excuser d’avoir retenu le comte si longtemps, continua-t-elle avec courtoisie.
    La comtesse considérait la souveraine – à deux mètres de distance tout au plus. Tron l’entendit prendre sa respiration, puis la vit plier le genou droit comme une jeune fille, soulever sa robe de la main gauche et incliner la tête. Ensuite, elle dit dans son allemand de Bohême aux sonorités dures qui ne trahissait pas le moindre émoi :
    — J’ignorais que Son Altesse Sérénissime s’entretenait avec le comte.
    Elle se pencha une seconde fois avec dignité et, le buste incliné, recula à petits pas lents et prudents sans se retourner – donc en marche arrière – jusqu’à la porte. Si l’audience avait eu lieu à la Hofburg, c’eût été une sortie impeccable, en tout point conforme au protocole. Mais là, comme il n’y avait pas de laquais, un petit problème surgit : elle serait bien obligée de tourner le dos à Sa Majesté pour ouvrir.
    Tron vit que les pas de sa mère se faisaient de plus en plus hésitants. Ce dilemme n’avait pas échappé non plus à l’impératrice.
    — Un instant encore, comtesse !
    L’impératrice avait remis son loup et était redevenue sa propre cousine.
    — Personne ne doit être au courant de l’entretien que j’ai eu ce soir avec votre fils. Tout ce que vous savez, c’est que les Königsegg sont venus en compagnie d’une certaine comtesse Hohenembs.
    Elle fit un demi-pas et s’arrêta :
    — Quant à vous, comte, vous m’aviez fait miroiter quelque chose.
    Tron vit à nouveau derrière le masque un regard posé sur lui, des yeux qui lancèrent de fugitives étincelles quand la lumière de la bougie se refléta dans les pupilles. Sissi souriait. Pendant un instant, il se demanda ce qu’il devait dire, puis quelque chose lui traversa l’esprit :
    — Quand j’ai eu l’intention d’inviter Son Altesse Sérénissime, je ne savais pas qui se tenait devant moi.
    — Cela signifie-t-il dire que vous vous dérobez, comte ?
    L’impératrice fit la moue. Le loup se souleva légèrement, sans doute parce qu’elle avait haussé les sourcils par dépit. Alors, le commissaire répondit :
    — Jamais je n’oserais mettre Son Altesse Sérénissime en difficulté.
    Il vit à sa bouche qu’elle se rassérénait. Il voulait dire par là qu’il n’oserait jamais prier une reine de danser avec lui. Elle préféra comprendre l’inverse, à savoir

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