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L’impératrice lève le masque

L’impératrice lève le masque

Titel: L’impératrice lève le masque Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nicolas Remin
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l’uniforme noir qui les faisait ressembler à de petits curés et qu’ils abominaient. En hiver, leurs doigts étaient rougis par le froid quand ils grattaient dans leurs cahiers. Étaient-ils amis à cette époque-là ? Oui, sans doute. Tron ne savait plus. Il ne pouvait même pas dire quand ils s’étaient perdus de vue. Un jour, Zorzi avait disparu. Le commissaire ne se souvenait plus de son prénom. Ils ne s’appelaient jamais que par leur patronyme.
    — Depuis quand es-tu revenu à Venise ?
    Curieux, songea-t-il, de tutoyer quelqu’un qu’on ne connaît presque pas.
    — Un an, répondit l’autre. Jusque-là, je vivais à Turin.
    — Et le palais Zorzi ? demanda le commissaire qui eut aussitôt une autre question sur le bout de la langue. Et la bibliothèque de ton père ?
    — Vendue après le décès de ma mère. Le palais doit être rasé.
    Il essaya de sourire, mais ne parvint à esquisser qu’une grimace.
    — C’est à toi, ce casino ?
    — Je suis responsable de l’argent que certaines personnes y ont investi.
    — Comment as-tu appris que j’étais ici ?
    — En te voyant à l’entrée. Je ne t’ai pas reconnu tout de suite, mais ensuite, il n’a pas été difficile de te décrire quand j’ai dit à mes hommes d’aller te chercher !
    Zorzi sourit. Il baissa les yeux sur la redingote de son interlocuteur.
    — Je ne savais pas que c’était aussi distingué ici, se défendit le commissaire.
    — Tu es venu à titre professionnel ?
    — Dans un sens, oui.
    Zorzi fit passer quelques jetons d’une pile à une autre.
    — Si mes informations sont bonnes, l’oncle de Grillparzer a été assassiné cette nuit. À bord d’un navire sur lequel le neveu se trouvait aussi.
    — Tu connais le sous-lieutenant ?
    — Nous avions rendez-vous ici à midi. Grillparzer me devait de l’argent. Une belle petite somme. Ensuite, il est reparti et il a refait surface il y a deux heures. C’est toi qui mènes l’enquête ?
    — Non, le colonel Pergen a pris l’affaire en main.
    — Parce qu’on suspecte Grillparzer ?
    — Non, Pergen est sûr de son innocence.
    — Et toi ?
    — Le conseiller était un homme riche… Le sous-lieutenant, son seul héritier.
    — Pourtant, le colonel exclut qu’il puisse être coupable ?
    — Voilà la question ! Je me demande forcément pourquoi.
    — Dans ce cas, tu pourrais être intéressé par ce qui s’est passé ici. Pergen est venu il y a une heure pour rencontrer Grillparzer.
    — Tu étais là quand il est arrivé ?
    — Oui, dans le vestibule.
    — Et alors ?
    — Le colonel a cherché Grillparzer. Au bout de quelques minutes, il est revenu avec le sous-lieutenant et m’a demandé où ils pouvaient s’entretenir sans être dérangés. J’ai mis mon bureau à leur disposition. La conversation ne semble pas s’être très bien déroulée. Le colonel est redescendu furieux et il a appelé son gondolier avant même d’avoir atteint le rez-de-chaussée.
    — Et l’autre ?
    — Il s’est remis à jouer. As-tu toujours l’intention de lui parler ?
    — Je ne sais pas. J’en ai déjà appris plus que je n’espérais.
    — Qu’est-ce que tu lui voulais ?
    — Je voulais voir comment il réagirait à la nouvelle du décès de son oncle.
    Zorzi fit une moue sceptique. Puis il conclut : — Je ne crois pas que ce soit lui. Grillparzer est un gars qui ne prend pas de risque. Il ne joue jamais très gros, et le plus souvent, il s’arrête quand il est encore temps.
    — Cela n’a pas l’air de lui être bien utile.
    — Tu veux dire : parce qu’il perd plus souvent qu’il ne gagne ?
    Zorzi se mit à rire.
    — C’est dans la nature des choses. Mais il perd moins que d’autres.
    À nouveau, il commença à déplacer des jetons sur son bureau.
    — Et toi, tu joues ?
    — Tu connais les salaires dans la police ?
    — C’est amusant de jouer.
    — Je n’en sais rien.
    — Alors, essaie. Tiens !
    Le directeur du casino prit une poignée de jetons.
    — Cinq blancs et cinq noirs. Tu n’as qu’à les rendre à la banque quand tu t’en iras.
    — Mais si je perds ?
    — Eh bien, tu n’auras pas à les rendre.
    — Et si je gagne ?
    — Tu devras au casino cinq jetons noirs et cinq blancs. C’est tout… Va dans le salon du fond, continua Zorzi sans lui laisser le temps de protester. À la roulette près de la fenêtre. Ne commence pas à jouer avant qu’on change de croupier. Et arrête dès que tu auras perdu trois fois de suite.
    — C’est une

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