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L’impératrice lève le masque

L’impératrice lève le masque

Titel: L’impératrice lève le masque Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nicolas Remin
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Grillparzer prend-il tout cet argent ?
    — On lui fait crédit parce qu’il a convaincu toute une série de gens qu’il serait bientôt riche, que le frère de sa mère était un homme fortuné, mais gravement malade du cœur, et qu’il était son seul héritier.
    Palffy chassa le chat qui s’était installé sur sa chaise et s’assit à nouveau. Puis il dit de manière aussi calme que s’il parlait de la pluie et du beau temps :
    — On dirait qu’il a atteint son but : son oncle était le conseiller Hummelhauser.
    Tron sentit son pouls s’accélérer.
    — Le motif classique, dit-il. Estimez-vous possible que le sous-lieutenant ait tué son oncle ?
    La réponse de Palffy ne se fit pas attendre :
    — Ma carrière touche à sa fin en décembre prochain. Je ne crois pas avoir envie de réfléchir à cela. Vous trouverez Grillparzer au casino Molin.
    — Le casino clandestin dans la sacca 1 della Misericordia ?
    — C’est cela, confirma le général. Mais il y a encore autre chose. Vous ne paraissez pas être au courant.
    Le vieux militaire fit une petite pause.
    — Moosbrugger a ouvert un bordel à bord de l’ Archiduc Sigmund .
    Pendant un instant, le commissaire fut convaincu d’avoir mal entendu. Mais Palffy poursuivit :
    — À l’insu du capitaine, et avec un petit cercle de clients triés sur le volet : des conseillers auliques, des généraux, des archiducs. En règle générale, ces messieurs annoncent leur venue par télégraphe. Ces dames, elles, montent à bord avec un billet de deuxième classe et c’est Moosbrugger qui les introduit dans les cabines.
    — Depuis quand cela dure-t-il ?
    Le général de division haussa les épaules.
    — Il paraît qu’au début, Moosbrugger fermait un œil quand des passagers de haut rang amenaient des filles. Puis un jour, il s’est décidé à prendre les choses en main. Je ne serais pas surpris que le conseiller fasse partie de ses clients.
    — Mon Dieu, jamais je n’aurais cru cela possible !
    Tron ne put s’empêcher de repenser à la maniaquerie du chef steward.
    — Et comment dois-je procéder maintenant ?
    — Allez parler au sous-lieutenant Grillparzer. Annoncez-lui que son oncle a été assassiné. S’il est le premier à avoir quitté le navire comme vous le dites, il ne devrait pas être au courant. Observez donc sa réaction.
    — Mais comment entrer dans le casino ?
    Tron savait qu’il y avait des douzaines d’établissements clandestins à Venise. Souvent, il fallait respecter certaines formalités si l’on voulait y avoir accès.
    — Connaissez-vous la pension Seguso ?
    Le commissaire fit oui de la tête.
    — Dites au portier que vous désirez voir le gondolier Carlo, poursuivit le général. Et ensuite, demandez à celui-ci de vous y conduire. Parlez-lui du rio di San Felice. Il vous déposera à l’entrée du casino. Le lieutenant Grillparzer a une moustache. Vous le reconnaîtrez facilement à la petite tache rouge au-dessus de son sourcil gauche. Il ne joue qu’à la roulette.
    1 - Anse. ( N.d.T. )

11
    Dès qu’il était passé commissaire de Saint-Marc, trois ans auparavant, Tron avait fait fermer quatre casinos clandestins dans son quartier et, sur les instructions de Spaur, il en avait toléré un cinquième pendant un semestre. Les quatre premiers étaient des établissements situés dans des arrière-cours, avec deux ou trois tables de jeu et de la sciure sur le sol. Le dernier, géré par un ancien maître d’écurie des dragons de Linz, se trouvait dans la salle de bal du palais Duodo. Les croupiers y portaient une queue-de-pie.
    Le casino Molin appartenait sans conteste à cette deuxième catégorie. Le groom en livrée qui aidait les clients à ôter leur manteau dans le vestibule jeta un regard sceptique sur la redingote du commissaire. Un homme sec et élégant qui attendait devant le vestiaire et lui disait vaguement quelque chose dévisagea lui aussi Tron avec méfiance.
    Une fois dans la salle, le commissaire constata que même avec une redingote moins élimée que la sienne, il ne serait pas passé inaperçu. Les hommes portaient la queue-de-pie ou l’uniforme, quand ils n’avaient pas préféré le costume du settecento 1 , c’est-à-dire des hauts-de-chausses serrés au-dessous du genou et une rapière passée à la ceinture. Les dames qui les accompagnaient avaient des éventails et des robes à paniers. Manifestement, bien des clients avaient l’intention de se rendre ensuite à l’un des

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