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L’impératrice lève le masque

L’impératrice lève le masque

Titel: L’impératrice lève le masque Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nicolas Remin
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constater avec quel sans-gêne les gens dans les cafés de la place Saint-Marc lisent des journaux introduits en fraude…
    — … que vos hommes confisquent, bien entendu !
    — Évidemment.
    — Et que faites-vous de ces exemplaires ?
    — Le soir, ils sont rassemblés à la questure.
    — Où vous les lisez vous-même…
    Soudain, le général de division sourit. C’était un sourire franc et naturel. Tron constata que, contrairement à Pergen, Palffy lui était sympathique.
    — Cela fait partie de mes obligations de service, confirma-t-il en souriant à son tour.
    — Et avez-vous lu la Stampa de vendredi ?
    Tron secoua la tête.
    — Non, pas encore, mon général.
    — Au cours de sa tournée en Lombardie, la semaine dernière, Garibaldi a été reçu par l’évêque de Crémone, continua Palffy d’un air songeur. Partout, il tient des discours enflammés et le public scande avec enthousiasme le mot d’ordre : « Roma e Venezia ! »
    Il s’arrêta un instant.
    — Pensez-vous qu’il va nous attaquer ?
    — Il peut tout juste lever une armée de quelques centaines d’hommes.
    — Il a bien conquis la Sicile avec un millier de soldats, objecta Palffy. De l’autre côté, ils étaient trente mille.
    — Venise n’est pas Palerme. Et l’armée autrichienne ne saurait être comparée à celle du roi des Deux-Siciles. Garibaldi le sait. En outre, il lui faudrait le soutien de Turin. Or il n’est guère probable qu’il l’obtienne.
    — Que disent les Vénitiens du voyage de Garibaldi en Lombardie ?
    Tron se décida pour une formule diplomatique.
    — On ne peut nier une certaine tendance à souhaiter le rattachement au nouveau royaume d’Italie.
    — Et vous-même ? Vous pouvez parler franchement, commissaire.
    Sans savoir pourquoi, Tron eut en effet le sentiment qu’il pouvait dire la vérité.
    — Nous ne ferions qu’échanger la tutelle de l’Autriche contre celle de Turin.
    — Et les référendums ? En Sicile et à Naples ? Ce ne sont pas des signes en faveur de l’unité italienne ?
    — C’est un rejet des conditions de vie ancestrales, expliqua Tron, pas une déclaration d’amour.
    — Sans Turin, il n’y aura pas d’unité politique.
    — Peut-être. Mais si nous sommes rattachés à l’Italie, la Vénétie sera gérée par un préfet de Turin et le maire de Venise sera nommé par le roi.
    — Vous pensez aux décrets d’octobre ?
    Tron approuva d’un signe de la tête.
    — C’est un net recul par rapport à la réforme de l’administration entreprise par Marie-Thérèse. Il n’y aura plus rien pour garantir l’autonomie des communes.
    — Vous ne me paraissez pas être un grand patriote, commissaire, commenta le général en souriant à nouveau. Mais je suppose que vous n’êtes pas venu ici pour parler politique. La princesse m’écrit que vous souhaiteriez vous entretenir avec le sous-lieutenant Grillparzer.
    — Il est là ?
    — Non.
    Le visage du général devint grave.
    — Que s’est-il passé sur le navire ?
    Tron lui exposa les faits. Il évoqua aussi les raisons pour lesquelles Pergen lui avait retiré l’affaire.
    — Et que voudriez-vous apprendre de la bouche de Grillparzer ? demanda le général quand il eut terminé.
    — Le sous-lieutenant occupait la cabine attenante à celle du conseiller. Peut-être a-t-il vu ou entendu quelque chose ? En outre, une dispute a éclaté dans le restaurant du bateau entre M. Hummelhauser et M. Grillparzer. Le steward prétend que les deux hommes se connaissaient.
    Palffy se leva avec tant de vivacité que le chat qui s’était blotti à ses pieds s’enfuit d’un bond.
    — C’est exact. Ils se connaissaient.
    Il fit une pause pour soupeser les paroles qu’il allait prononcer. Tron le regarda lisser la veste de son uniforme, puis passer la main droite sur son crâne comme s’il avait encore des cheveux.
    — Écoutez, commissaire, déclara-t-il enfin. Je n’aime pas m’étendre sur la vie privée de mes hommes. Mais la princesse semble souhaiter que vous poursuiviez vos investigations. Je ne sais pas pourquoi, mais en général, elle sait parfaitement ce qu’elle fait.
    Palffy fit à nouveau une pause.
    — Le sous-lieutenant joue, continua-t-il au bout d’un instant. Il a des dettes considérables. Il est interdit d’entrée au Ridotto. C’est pourquoi il fréquente maintenant des casinos clandestins.
    — Ici ? À Venise ?
    — J’avais demandé qu’on le mute, mais Toggenburg a refusé.
    — Et où

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